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vivions de pleine vie ; chaque heure consacrée à la nature est une heure de plus, dans notre existence, extorquée à l’impitoyable cours du temps. » — « Accueillez-moi, prairies, et vous, forêts sacrées, accueillez le pèlerin qui, fuyant le bruit des villes, vient chercher à votre ombre un peu de repos et de fraîcheur... » s’écrie Shaftesbury dans son Hymne à la Nature.

Ce n’est pas seulement le bruit que fuit l’habitant des cités lorsqu’il abandonne ses murailles de pierre et ses logemens étroits ; il fuit l’air vicié des chambres, l’atmosphère empoisonnée des rues ; il fuit le sol saturé d’immondices ; il fuit les conventions déprimantes de la vie citadine, son labeur si souvent improductif, et tout ce qu’elle comporte de vanités. Et où fuit-il ? A la campagne, en des lieux peu civilisés, ignorans souvent des plus élémentaires dispositions de l’hygiène. Et combien, malgré cela, la campagne est préférable à la ville ! Dans la mesure où la puissance assainissante de la nature surpasse la puissance scientifique de l’homme ! La large voûte des cieux que rien ne borne, le libre jeu des vents, le brillant soleil, le sol naturel, — voilà les hygiénistes de la campagne, et le citadin qui vient y chercher la santé peut hardiment compter sur eux.

Il est hors de doute que la population rurale, lorsqu’elle est plus ou moins bien partagée aux points de vue économique et social, jouit, malgré l’absence de maintes conditions sanitaires, d’une meilleure santé que la population des villes, et s’en distingue par une mortalité relativement plus faible.

Dans tous les États de l’Europe occidentale, le taux de la mortalité est sensiblement plus élevé dans les villes que dans les villages ou les hameaux. Cependant la différence est soumise à d’assez fortes oscillations. En Prusse, par exemple, la mortalité dans les campagnes n’est inférieure que de 8,5 pour 100 à celle des villes ; en Angleterre, la différence est de 24,1 pour 100. Si, dans certains gouvernemens de la Russie, suivant les recherches d’Erismann, le rapport se trouve renversé en ce qui concerne la mortalité des enfans, cela tient à des conditions toutes spéciales et, il faut l’espérer, passagères.

James Starck, en Écosse, a trouvé que la mortalité générale des campagnards est inférieure d’un tiers à celle des citadins, et que la mortalité des enfans âgés de 5 ans est exactement deux fois plus forte à la ville que dans les campagnes. L’importance de la campagne pour les enfans a été nettement entrevue par Mirabeau,