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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/142

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A Bruxelles, des paysagistes s’étaient remis à l’étude des sites champêtres assez mesquinement ; à côté d’eux, les peintres d’histoire, élèves de David exilé, en étaient encore aux parodies de la Vénus de Médicis et de l’Apollon du Belvédère.

A Anvers, le romantisme régnait avec la majesté sans façon d’un roi d’Yvetot. L’ombre de Rubens devait sourire.

On le voit, après les trois ou quatre grandes personnalités dont j’ai parlé, c’était presque le néant. Quelques éclectiques très sages, néanmoins, commençaient à apparaître. Mais, partout, on se reprenait d’amour pour la nature et l’on prévoyait, à quelques symptômes, la venue prochaine d’un autre art. Tel, à quelques futiles épaves inconnues, Christophe Colomb pressentit un nouveau monde.

Chateaubriand, Bernardin de Saint-Pierre et Lamartine ont plus fait que tous les autres pour répandre la lumière en montrant ces harmonies de la nature qui préparent à l’intelligence des arts du dessin.

C’est alors que Fontainebleau, à l’abri de ses chênes et de ses hêtres, vit naître l’admirable colonie de ses paysagistes. Et ceci eut lieu en même temps que le triomphe du romantisme.

La naissante école, à peine remarquée d’abord, devait grandir et le remplacer.

Notez bien qu’en ce temps-là, l’art ne courait pas les rues comme aujourd’hui. Ses vraies manifestations étaient rares et les niaises, discrètes. On n’y mettait pas de malice : le rendu pour le rendu. Avant Daguerre, je viens de le dire, n’était-ce pas déjà très beau, que d’imiter servilement un objet quel qu’il fût ? C’étaient des étonnemens même devant la réalisation d’une plate vérité. On recherchait des transparences inutiles, des touches subtiles, l’habileté manuelle, les tons chauds. Ah ! si l’on revoyait une exposition d’alors à côté des nôtres de maintenant ; quel progrès accompli ! Mais avons-nous plus de chefs-d’œuvre ? plus d’inspirations exquises ?

La production s’est multipliée de plus en plus dans une précipitation, une facilité de moyens toujours croissantes. Tout le monde se figure avoir droit au talent aujourd’hui. L’art a mille caprices et mille audaces qu’il étale au public avec la plus insistante prodigalité. Il s’affiche sur tous les murs, il s’impose jusqu’à la satiété, jusqu’au dégoût. Alors où le fuir ? Il vous poursuit partout ; vous le retrouvez dans les gares, le long des voies ferrées, mêlant sur