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REVUE MUSICALE


Théâtre de l’Opéra-Comique : Cendrillon, conte de fées, d’après Perrault ; poème de M. H. Cain, musique de M. Massenet.


L’Opéra-Comique a donné Cendrillon, sans doute la dernière du nom dans la musique du siècle qui s’achève. J’aurais souhaité, rêvé plutôt, car la chose n’irait pas toute seule, qu’il en représentât deux autres : celle de Nicolo (1810) et celle de Rossini (1817). Au point de vue de l’esthétique et de l’histoire, un tel concours eût offert quelque intérêt. Mais il aurait fallu, pour l’instituer, qu’un théâtre fût ce qu’il devrait être : un peu une école et plus encore un musée. Or nos théâtres de musique ne sont rien de tout cela.

Le succès de la Cendrillon de Nicolo fut énorme ; l’œuvre même est des plus minces. Elle offre en réduction et comme en miniature les qualités de l’ancien opéra-comique. Inférieure à Joconde, le chef-d’œuvre de son auteur, elle est encore plus au-dessous des ouvrages de Grétry et surtout de Méhul. C’est une dernière goutte de vendange, un reste de vin de France, mais d’un petit vin, très dépouillé aujourd’hui. Etienne, l’auteur du livret, accommoda le conte de Perrault au goût du jour et même de la veille. Il réduisit la part de l’imagination et de la féerie pour augmenter celle de la sensibilité et de la morale. Il transforma la marraine, qui était fée, en un magicien bienfaisant et raisonneur, Alidor, dont le prince Charmant n’est plus que le vertueux élève, et qui, pour éprouver le bon cœur de Cendrillon, se montre d’abord à elle sous les traits d’un mendiant. La pièce est émaillée d’honnêtes sentences et de conseils édifians. Vieillotte, elle aussi, menue et chevrotante, la musique a cependant passé moins que le « poème. » Plus d’une page est restée vraiment agréable : un air du prince, délicieux de mélancolie et d’amoureux désir ; la fameuse complainte de Cendrillon : Je suis modeste et soumise, et surtout le refrain.