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fontaine de Trevi, le Pincio, Saint-Jean-de-Latran, le Panthéon, Saint-Pierre du Vatican, Michel-Ange, Dante, Machiavel... Et quels hommes ! Au-dessus de nature ! Le monde nous les envie et les admire I Et l’Italien, lui, a ce caractère qu’il exerce son talent, et qu’il sait en tirer parti. Tiens, une supposition : il voit un homme qui fait monter une lampe ; il réfléchit, et il te dit : Tu sais, la terre tourne. Il y repense, et il te découvre la lunette d’approche. Et un autre : il te voit une grenouille qui était morte ; il la touche avec un bout de fer et il remarque qu’elle remue les jambes. Qu’est-ce qu’il fait ? Il t’arrange un mécanisme... Un autre, ça ne lui aurait pas produit d’effet. Eh bien, l’Italien, lui, il t’invente l’électricité !

« Ainsi Colomb... Avec quoi a-t-il réussi ? Avec sa tête. Voilà, nous en sommes toujours là. Voyons, fais-moi le plaisir de me répondre : pourquoi est-ce qu’il l’a découverte ? Parce que c’était lui. Si c’avait été un étranger, qu’est-ce qu’il découvrait ? Un bouton de guêtre 1 Celui-là, au contraire, il te trouve l’incroyable... Et s’il avait eu des appuis ! Mais il aurait fait l’impossible ! S’il avait eu les engins de marine qu’on a au jour d’aujourd’hui, mais, cet homme-là, il t’en découvrait une vingtaine ! »

Ces cinquante sonnets sont remplis d’un comique excellent, du plus propre à « faire rire les honnêtes gens, » d’un comique qui ne chatouille pas seulement la rate, mais qui, si l’on peut ainsi parler sans emphase, enrichit l’esprit et parle à l’âme. Certes il y en a aussi chez Belli, et particulièrement dans ses trente-quatre sonnets du Còllera Mòribbus, — mais plus dispersé et plus enveloppé, moins parfaitement sensible. Sur ce point et à cause de cela quelques Romains jugent Pascarella moins naturel que Belli, et ils ont raison ; mais ils ont tort, s’ils lui en font un reproche. Pascarella ne suit point pas à pas la nature : il la résume, il en extrait l’essence. Il ne se borne pas à la reproduire, il crée selon ses lois. Ce qu’il écrit est vrai « d’une vérité supérieure : » de ce qu’il observe il dégage le type et le genre, — le type du Romain, le genre de l’humour romain. Son réalisme est celui des classiques, qui, par le choix patient, l’union harmonieuse des traits, élèvent la réalité à son extrême puissance. C’est pour cela qu’il est un grand artiste. Les Romains se reconnaissent peut-être mieux chez Belli ; et en effet ils y sont décrits tout au long et en détail. Mais c’est chez Pascarella que les étrangers apprendront le mieux à les connaître, d’un seul coup, d’une vue