Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/442

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des lions, des éléphans, de l’or plein des chariots, des diamans plein des mouchoirs. On l’admire, on l’honore, on le fête ; puis on le ruine, et on veut se débarrasser de lui. Alors le conteur ne retient plus son émotion et sa colère : « Et lui, lui qui avait apporté des sacs d’or plein des vaisseaux, il fut réduit à aller de couvent en couvent, son fils sur les bras, comme un affamé. Et le roi, à qui il avait rendu tant de services, le roi, après lui avoir mis les chaînes, voulait le faire enfermer à l’hospice des fous !... Mais comment ! (s’écrie le Romain, qui se met brusquement à la place de Colomb). Mais comment ! Après tant et tant de bien que je t’ai fait, tu devrais baiser le chemin où je marche, et tu me fais mettre les chaînes ! Tu me traites comme si j’étais un assassin Mais tu es un brigand, tu es Gasperone, tu es Spadolino ! Et qu’est-ce que tu as, bon Dieu, dans les veines ? Du sang de tigre, du sang d’hyène ? Et qu’est-ce que tu as dans le cœur ? Un bloc de marbre ? Mais comment ! Après tout ce que j’ai fait, que je t’ai découvert un monde et que je te l’ai donné, maintenant tu veux me faire passer pour fou ! Mais le fou, c’est toi, sale imposteur, gredin, canaille, scélérat ! Sors un peu, que je te mange le cœur ! »


Ma come ? ! Dopo tutto quer ch’ho fatto,
Che t’ho scoperto un monnoe te l’ho dato,
Mô me voi fa’ passà’ puro pe’ matto ? !

Ma sarai matto tu, brutt’ imposture,
Vassallo, porco, vile, scellerato...
Vie’ de fora, chè me te magno er core !


On calme le brave homme en lui faisant vider son verre, et la question d’un auditeur change heureusement le cours de ses idées : « — Mais, dis-moi un peu, est-ce que tu le sais, ce Colomb, d’où il était au juste ? » Alors l’autre s’épanouit, tout son candide orgueil patriotique lui monte au visage, et s’élargit dans ses phrases : « Eh ! quand il vivait malheureux, personne ne voulait de lui ! Et maintenant qu’il est mort, tout le monde le réclame. Mais l’histoire du monde entier est là ! Eh ! l’histoire, par le Christ ! c’est l’histoire. Christophe Colomb était Italien :


Criitofero Colombo era italiano.


« Et l’Italien a toujours été le même, et quand un étranger vient de loin, quand il aurait vu le monde entier, s’il arrive ici, il faut qu’il ôte son chapeau : ici le Tasse, Métastase, Raphaël, la