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ouvrier (socialiste), enfin les hommes les plus marquans de la majorité catholique, à l’exception de M. Wœste, étaient ouvertement hostiles et se montraient prêts à ouvrir le feu. Il était évident qu’à tort ou à raison le scrutin uninominal ne serait pas accepté, et qu’il provoquerait contre lui, dans les partis les plus divers, une coalition de tous les intérêts lésés, fait peut-être regrettable, mais trop général pour qu’on n’en tînt pas compte. Nous sommes habitués en France au scrutin uninominal, et, sans donner notre système électoral pour modèle, il est permis de dire qu’au point de vue de la représentation de toutes les opinions, il est préférable au système belge d’aujourd’hui. Sans doute, dans chaque arrondissement, la majorité seule est représentée, mais l’opinion qui est en minorité dans l’un conserve la chance d’être en majorité dans l’autre, et cette chance se multiplie par le très grand nombre des circonscriptions indépendantes les unes des autres : en Belgique, au contraire, du moins dans les circonscriptions où le scrutin de liste est appliqué, car il ne l’est pas dans toutes, on opère en bloc sur de plus grands espaces et de plus grandes masses, et une même majorité écrase les minorités sur tous les points à la fois. Au surplus, l’empirisme politique tient une très grande place dans notre système, et nous comprenons que les Belges en cherchent un meilleur.

Seulement, ils ne l’ont pas encore trouvé, et le ministère parait s’y être ingénié en pure perte. Depuis longtemps on n’avait pas vu un aussi impétueux mouvement d’opinion que celui qui s’est déchaîné contre son projet, et il n’y a pas exagération à dire qu’à un moment la crainte d’une révolution a pu se présenter aux esprits. Peut-être cette crainte a-t-elle été le commencement de la sagesse. De même que le Roi avait reculé, mais adroitement et sans bruit, au mois de janvier dernier, le ministère a reculé à son tour, mais avec moins d’adresse, et au milieu d’un toi tapage qu’on n’avait pas encore entendu le pareil. Les fautes les plus courtes étant les meilleures, il faut féliciter le gouvernement d’avoir cédé : probablement il ne s’est pas sauvé lui-même, au moins pour bien longtemps, mais il a sauvé la monarchie. Nous ne raconterons pas les scènes qui se sont déroulées, soit au parlement, soit dans la rue ; les journaux en ont été remplis. Radicaux et socialistes ont jugé que tous les moyens étaient bons pour étouffer un projet dont ils ne voulaient même pas permettre la discussion. Le Roi a été l’objet en pleine Chambre des plus indignes outrages, sans que son irresponsabilité constitutionnelle ni même sa dignité d’homme et de souverain aient été défendues et protégées. Quant au tapage, l’insuffisance des