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à ces plates-formes mouvantes, qui ne sont encore que des jouets d’exposition et qui deviendront peut-être un moyen régulier de transport dans les grandes agglomérations. Des chutes d’eau sont captées de toutes parts : on utilise toutes les richesses du sol, toutes les forces naturelles.

Que durera cet élan ? Il est vraisemblable que la loi des oscillations se vérifiera une fois de plus et qu’une réaction se produira. Ceux qui croient que nous en sommes encore éloignés peuvent alléguer la grandeur du champ qui s’est ouvert. De plus la production industrielle est aujourd’hui moins laissée au hasard des initiatives individuelles qu’autrefois. Il est bien certain que le succès de chaque entreprise n’est dû et ne sera jamais dû qu’à l’énergie, à l’activité, au travail de celui qui la dirige : mais l’apparition des puissantes associations qui se nomment trusts en Amérique, et syndicats en Europe, peut exercer sur le développement des industries une influence qui ne se mesure pas encore. Il serait injuste de condamner a priori ces organisations : elles n’ont pas de rapport avec les tentatives d’accaparement ou de hausse factice des prix qui se présentent tout d’abord à l’esprit lorsqu’il est question de les juger. Des exemples qui remontent déjà à un certain nombre d’années permettent de se rendre compte de l’œuvre de ces réunions de grands industriels qui se vantent, en bien des cas, d’avoir abaissé en d’énormes proportions le prix de revient d’une matière, d’en avoir réglementé la production, assuré la distribution dans les conditions les plus favorables. Il y a là un phénomène nouveau, qu’il est impossible de négliger lorsqu’on étudie les conditions futures de l’industrie. La formation de ces trusts est, de l’avis même des Américains, le fait saillant de leur état économique actuel : ils assurent d’ailleurs que ces combinaisons ne présentent pas d’inconvéniens pour les consommateurs, parce que, d’une part, la concurrence étrangère subsiste et que, d’autre part, l’intérêt de ces grandes associations étant de vendre le plus possible, elles cherchent tout d’abord à abaisser leur prix de revient par le perfectionnement des modes de fabrication, la diminution des frais généraux, et offrent ensuite leurs produits au prix le plus bas, en se réservant seulement un bénéfice raisonnable. La jurisprudence confirmée encore tout récemment par une décision de la cour suprême de New-York ne frappe pas de nullité toutes les ententes entre producteurs. Celles qui ont pour but d’obtenir un prix convenable pour