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les produits manufacturés ne sont pas considérées comme illégales, bien qu’elles mènent à une restriction des échanges. Il serait puéril néanmoins de méconnaître la force redoutable que de pareilles organisations mettent aux mains d’un petit nombre d’hommes : la concurrence étrangère n’est efficace que si des tarifs douaniers ne l’empêchent pas : dans plusieurs États de la confédération, la législation s’est préoccupée de combattre les trusts ou d’en limiter la puissance. Avec un gouvernement d’opinion comme celui des États-Unis, ils seraient condamnés le jour où leur action s’exercerait dans un sens différent de celui que nous venons d’exposer.

Si, négligeant ces querelles et nous plaçant à un point de vue plus élevé, nous cherchons à jeter un regard sur l’avenir, nous pouvons supposer que ces combinaisons industrielles nous mèneront un jour à une organisation économique plus harmonieuse, où la production, mieux réglée, sera proportionnée aux besoins de la consommation. Il semble bizarre que ces trusts, dirigés par de grands capitalistes, puissent conduire à des résultats qui sont aujourd’hui, d’une façon plus ou moins vague, réclamés par les programmes socialistes : mais, bien souvent en ce monde, ceux qui mènent le mouvement ne se rendent pas clairement compte de toutes les conséquences de l’œuvre à laquelle ils travaillent. D’autres qu’eux peuvent, dans les ténèbres de demain, discerner une lueur qui annonce un état de choses nouveau. L’activité dont une partie du monde est aujourd’hui le théâtre a pour effet certain d’abaisser le prix des choses, de multiplier les transports de voyageurs et de marchandises et de mettre à la disposition des hommes des quantités de plus en plus considérables de produits. C’est au profit du plus grand nombre que s’accomplit cette évolution. Tant de travaux poursuivis à la fois dans les mines, dans les manufactures et sur les voies ferrées exigent un nombre croissant de bras ; il en résulte une demande ininterrompue de travail, et par suite une hausse notable des salaires. Beaucoup de ces entreprises ne réussiront pas, ne donneront que peu ou point de profit aux capitalistes qui s’y seront engagés : mais les ouvriers et tous ceux qui y auront été employés y auront gagné leur vie. Ceux qu’on appelle les travailleurs, par une erreur du langage qui a très improprement appliqué ce mot au seul travail manuel, profitent donc dans la plus large mesure de l’esprit d’initiative, du courage des employeurs, qui risquent