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et crapulaient, au sortir de la chapelle de Versailles où les avait longtemps cloués la dévotion du Grand Roi ; ainsi encore que les muscadins et les incroyables affectaient la soie tendre des habits et la mollesse zézayante du parler, en horreur du langage vulgaire et de la tenue débraillée des sans-culottes. De même, pour protester contre l’embourgeoisement plat et débonnaire de la société qui les entourait, les lions ou dandys furent-ils piaffans et fringans au possible ; parce que le type du « bourgeois » semblait essentiellement contraire à celui du « cavalier. »

« Ce jour 11 novembre 1833, à trois heures de l’après-midi, lit-on à la première page du registre des procès-verbaux de la Société d’encouragement pour t amélioration des races de chevaux en France, les sept membres soussignés, s’étant rendus à la convocation faite par le secrétaire, considérant qu’une heure de plus s’est écoulée depuis celle fixée pour la réunion, qu’il y aurait de graves inconvéniens à s’ajourner de nouveau à une époque plus éloignée, » décident de se constituer immédiatement. Séance tenante ils discutent, rédigent et votent le règlement et les prix des premières courses fixées au mois de mai suivant.

Cette poignée de hardis sportsmen, d’origines, de fortunes et de conditions diverses, — ils étaient douze, y compris les absens, parmi lesquels un Anglais, lord Seymour, un Russe, Anatole Demidoff, un Italien, Maxime Caccia, un Portugais, le chevalier Machado, un Français de vieille extraction, le comte de Cambis, engagé volontaire à 14 ans, qui, de 1810 à 1815, avait pris part à toutes les campagnes, l’héritier d’un grand nom de l’Empire, le capitaine prince de La Moskowa, un marchand de bois, M. Rieussec, un banquier, Casimir Delamarre, un agriculteur, M. Fasquel, et trois adeptes passionnés de l’équitation, MM. Ernest Le Roy, Charles Laffite et Denormandie ; — ces innovateurs, qui affirmaient leur volonté de doter le pays « d’un nouvel élément de richesse, » par le relèvement de races en décadence, et qui alignaient avec peine une somme de 11 500 francs pour les six prix de leur réunion de début, ne se doutaient pas sans doute qu’avant la fin du siècle il serait distribué annuellement, sur nos 311 hippodromes, plus de 12 millions et demi de francs on quatre mille courses de toute nature. Ils ne pouvaient deviner ni le prestige que la Société embryonnaire tirerait de son initiative, ni l’importance à venir du « turf », cet innocent gazon, devenu vraiment un « tapis vert, » et passionnant, comme tel, la foule d’aujourd’hui au