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Le mehari ou chameau de selle, qu’on ne voit qu’au désert, est vraiment une belle bête. Chez lui, les lourdes formes du djemel se sont amincies, assouplies. Le mehari est au djemel ce que le noble est au serviteur, dit un proverbe arabe. Il a la taille svelte, les jambes grêles, la bosse petite, la tête sèche, de beaux yeux noirs, les oreilles élégantes de la gazelle, le ventre évidé du sloughi, l’encolure souple de l’autruche. Son pelage surtout est admirable à voir, blanc de neige ou café au fait, avec un poil aussi fin que celui de la gerboise. Même blessé, il ne beugle pas, qualité précieuse chez un animal de combat ; il ne risque pas, comme son congénère, de déceler par ses cris les embuscades.

La robustesse de ces animaux est singulière. Du lever au coucher du soleil, dans les chemins les plus impraticables, ils font plus de 100 kilomètres et soutiennent une pareille course pendant plusieurs jours. Comme nourriture, un peu de drinn, brouté dans les sables au hasard de la marche, leur suffit. Mais ce qui les rend surtout précieux au désert, c’est leur endurance à la soif. Ils peuvent, malgré l’atroce température, se passer d’eau pendant plus d’une semaine. Les nôtres sont restés six jours sans boire et n’en paraissaient pas incommodés.

Autant les méharis sont agréables à voir, autant ils sont désagréables à monter. Cette équitation est fort mal connue ; très peu d’officiers se sont astreints sérieusement à l’essayer. Rien de plus incommode que la selle, d’origine targuie, que les Arabes appellent rahla ; c’est une simple pièce de bois, creusée comme une assiette, avec un dossier en forme de triangle qui monte jusqu’au milieu du dos et, en place de pommeau, une petite croix de bois, qu’on ne peut même pas toucher tant elle est fragile. Installé sur ce siège très dur, le cavalier pose les pieds sur le cou de la bête, qu’il faut tenir relevé au moyen d’une corde passée dans la narine droite. Les pieds doivent être nus ; le mehari ne supporterait pas la pression d’une bottine.

On dit communément que la marche du chameau, du vaisseau de la terre comme l’appellent les Arabes, donne le mal de mer. C’est une erreur : on n’éprouve de malaise qu’en bassour, c’est-à-dire dans le palanquin dont se servent les femmes. Le mehari a un mouvement naturel d’amble, qui ne produit, au pas, qu’un léger tangage ; la plus grande fatigue vient du frottement sur la selle de bois et du manque de point d’appui pour les jambes sur le cou de l’animal qui se dérobe incessamment. Quand il trotte, au contraire,