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la peste, la guerre et la famine : plus que ceux-ci il décime l’humanité ; il fait plus que de tuer, il dégrade. »

Depuis le moment où Magnus Huss a appelé l’attention sur les désordres physiques provoqués par l’alcoolisme, les médecins n’ont pas cessé de faire de nouvelles découvertes dans cet ordre d’idées. Les ravages se sont révélés sans cesse plus étendus, à mesure que l’observation devenait plus attentive. Ils se résument à dire que l’alcoolisme amène la déchéance physique de l’individu et, par delà, celle de la race.

L’alcoolisé a sa pathologie spéciale. Il y a un alcoolisme aigu et un alcoolisme chronique. La médecine a établi le type clinique de l’alcoolisme chronique. Magnus Huss, et plus tard M. Lancereaux, ont bien décrit le travail de désagrégation opéré par l’alcool dans tous les organes et les troubles par lesquels il se révèle, depuis les perturbations légères des fonctions digestives, la dyspepsie et la pituite des buveurs, jusqu’aux altérations les plus graves du système nerveux, la paralysie et la démence. Les études récentes y ont apporté peu de modifications. On a constaté que la paralysie symétrique des membres, la névrite multiple en sont des accidens assez fréquens. Les médecins allemands ont montré que, chez les buveurs de bière, c’est le cœur qui est malade : leur affection caractéristique est l’hypertrophie cardiaque ; et celle-ci est poussée quelquefois jusqu’à la mort par asystolie. En revanche, le delirium tremens est rare dans cette catégorie de buveurs.

La lésion classique de l’alcoolisme est la cirrhose du foie. M. Lancereaux l’attribuait plus spécialement à l’usage du vin, particulièrement du vin sophistiqué, plâtré. Mais les auteurs allemands l’ont trouvée fréquente dans les pays à eau-de-vie où le vin fait défaut : elle manque d’ailleurs dans les régions à bière. On peut donc bien regarder cette affection comme une manifestation propre de l’alcoolisme.

L’artério-sclérose, c’est-à-dire l’induration des artères qui est le témoin et la conséquence de l’usure et de la vieillesse de l’organisme, à moins qu’elle n’en soit la cause, avait été considérée autrefois comme un effet de l’alcoolisme. On sait maintenant qu’elle n’a pas de rapport nécessaire avec lui.

Outre ces affections propres, l’alcoolique est plus exposé qu’un autre aux affections communes. Elles revêtent chez lui les formes les plus graves et particulièrement la forme nerveuse,