Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/852

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’où nécessité de se procurer chaque dimanche une voiture pleine de sacs de billon. Aujourd’hui les centimes au-dessus de 25 sont comptés aux parieurs pour 50 ; au-dessous de 25, ils profitent au Pari mutuel, qui gagne ou perd chaque année, de ce chef, des sommes variant entre 10 et 20 000 francs.

Les tickets impayés ou égarés par leurs propriétaires sont pour l’Administration la source d’un bénéfice annuel de 40 à 60 000 francs. Des joueurs inexpérimentés les jettent ou les déchirent ; en revanche, il existe des filous dont le métier consiste à ramasser, sur les champs de course, les tickets non gagnans qui jonchent le sol et à les garder avec soin, fût-ce jusqu’à l’année suivante, dans l’espoir que la couleur et le numéro de l’un d’eux, se trouvant coïncider un jour avec ceux d’un gagnant quelconque, ils pourront se les faire payer par un caissier étourdi qui ne les regardera pas d’assez près.

Le pari, dont ces honnêtes guichets sont les intermédiaires, n’est malheureusement pas le seul ; il est pratiqué clandestinement dans la capitale par d’innombrables agences. Désireux de compléter à ce sujet une étude dont la vérité fait le principal mérite, je m’étais adressé à M. Charles Blanc, alors préfet de police ; mais cet adroit fonctionnaire ne recevait pas sans doute les lettres qui lui étaient écrites, ou du moins, il ne jugeait pas à propos d’y répondre. M. Lépine, ayant un tout autre et plus juste souci des droits de l’opinion publique, m’a au contraire mis à même d’être renseigné : on doit reconnaître que, depuis cinq ans, la police et le parquet ne sont pas restés inactifs. Le nombre des poursuites contre les prévenus de pari secret a été de 96 en 1894, de 357 en 1895, de 496 en 1896. S’il est descendu à 281 on 1897 et, en 1898, à 227, ce n’est pas que les chasseurs se relâchent, c’est que le gibier devient plus prudent.

Vingt-cinq à trente agens de la sûreté marchent sans trêve durant la saison des courses et ne sont dérangés par aucune autre besogne ; mais les délinquans sont peut-être plus de 2 000 dans l’enceinte des fortifications et, la preuve même qu’ils se savent habilement traqués, c’est que, loin de travailler comme jadis à bureau ouvert, ils prennent des précautions infinies pour ne pas être pinces. Parmi les inculpés, cafetiers et marchands de vin, coiffeurs, libraires, logeurs, sont en majorité ; mais il s’y trouve aussi des tenancières de kiosques, des bouchers, des représentans de commerce, des concierges, des établissemens de tir, etc.