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qu’une « grande insurrection se produisît en notre faveur en Belgique. »

Tout cela était bien aléatoire et bien hypothétique, mais quoi qu’il en fût, Rochambeau, décidé à rejoindre son quartier-général, était prêt à l’exécuter : il quitta Paris dans cette intention le 18 avril au soir. Le surlendemain, il était à Valenciennes ; et son premier soin, en prenant à nouveau possession de son commandement, fut de donner connaissance à Lauzun du document du 15 avril, dont il n’avait pu lui adresser jadis que le sommaire écourté.

De quelle façon l’ancien roué reçut-il cette communication ? Ni lui, ni Rochambeau, ni aucun autre témoin ne nous ont laissé de confidence sur ce sujet ; on est donc réduit à cet égard à des conjectures. Ce qui n’est pas douteux, c’est qu’il fallait être bien maître de soi, posséder une puissance de dissimulation peu commune pour supporter impassible une telle confidence. Car vraisemblablement Lauzun n’ignorait pas, à l’heure où Rochambeau lui communiquait les instructions du 15 avril, qu’en ce moment même, d’autres prescriptions, absolument contradictoires, portant la date du 22, mais depuis longtemps rédigées, étaient déjà parties de Paris et allaient arriver d’un instant à l’autre.

Elles parvinrent effectivement le 23, portées par Maret, le futur duc de Bassano, à cette époque représentant de la France près du comité révolutionnaire belge.

Pour ménager autant que possible la susceptibilité du vieux maréchal et pour lui faire accepter avec moins d’amertume une mesure qui ne pouvait manquer de le froisser profondément, Dumouriez et Lauzun avaient fait endosser à Louis XVI la responsabilité de leur acte, bien personnel cependant. En conséquence, Dumouriez avait inséré, en tête de ces instructions du 22 avril, rédigées soi-disant par le ministre de la Guerre de Grave, un préambule qui commençait ainsi : « Le Roi me charge de prévenir M. le maréchal de Rochambeau que des circonstances extérieures et politiques forcent Sa Majesté d’abandonner pour le moment le plan purement défensif, méthodique et très convenable en toute autre circonstance, pour adopter un système d’invasion qui puisse favoriser l’insurrection presque général des Belges, qui n’attendent que notre entrée dans les Pays-Bas pour lever l’étendard.

« M. le maréchal est prévenu que M. de Lafayette se mettra en mouvement sur Namur, vers le 30 de ce mois... qu’il faut, qu’à