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cette époque, M. le maréchal ait commencé son plan d’invasion et ait porté son avant-garde au moins à Mons et peut-être en cas de succès jusqu’à Bruxelles... Aussitôt cette dépêche reçue, M. le maréchal remettra à M. de Biron l’instruction (cachetée) ci-jointe, fera rassembler les troupes destinées à entrer en campagne des garnisons de Maubeuge, Avesnes, Landrecies, Le Quesnoy, Cambray, Douay et Valenciennes, à Quiévrain, d’où M. de Biron suivra la destination prescrite dans son instruction... M. le Maréchal est prévenu qu’au même jour où M. de Biron réunira son avant-garde à Quiévrain, M. d’Aumont (gouverneur de Lille) doit former une tête de cavalerie de huit ou dix escadrons tirés des garnisons de Lille, Aix, Béthune, Arras et Hesdin qui se rassembleront à Lille d’où ils se porteront sur le territoire autrichien en avant de Baisieux, sur la grand’route de Tournay, pour masquer cette place, inquiéter l’ennemi et lui faire croire que c’est là qu’on veut entrer. Il en résultera nécessairement un bon effet. Les troupes autrichiennes qui occupent la Flandre n’oseront pas la dégarnir pour se rendre sur le Hainaut et le Brabant ; ainsi M. de Biron n’aura affaire qu’aux garnisons de Mons et de Bruxelles. Il est de même présumable que la garnison de Tournay, qui d’après les avis multipliés que nous recevons est disposée à la désertion, favorisera l’insurrection des habitans, auquel cas l’officier général qui commandera cette tête pourrait être reçu dans Tournay... M. le maréchal donnera ordre à M. d’Elbhecq (commandant à Dunkerque) de porter un corps de troupes de 1 200 hommes, moitié cavalerie, commandée par un maréchal de camp, du côté de Furnes, sur le territoire autrichien, s’annonçant comme une tête de colonne qui pourra continuer et se conformer au reste de l’instruction... »

En prenant connaissance de ces dépêches, Rochambeau ne put dissimuler ni son mécontentement, ni sa colère. A vrai dire, ce n’était pas surtout le remplacement de son plan d’opérations par un autre qui le choquait. Des raisons politiques prépondérantes pouvaient effectivement imposer au gouvernement un changement d’attitude militaire et ordonner une modification immédiate dans la mission tout d’abord affectée aux armées. Mais ce qu’il n’était pas possible d’admettre, ce qui était intolérable, ce qui le choquait profondément, douloureusement, c’était l’atteinte portée à sa prérogative, à son autorité ; c’étaient les ordres donnés, par-dessus sa tête, à ses subordonnés, la direction