le mari rêvé. Mais pour la Rosalba, du moins, ce séjour à Modène fut une distraction, la dernière qu’ait eue l’excellente créature.
En 1746, tandis qu’elle préparait une série de pastels pour son ancien client Auguste de Saxe, — l’admirable série qui remplit aujourd’hui tout un cabinet du Musée de Dresde, et qui surpasse peut-être encore en piquante fraîcheur les pastels du Louvre, — une première attaque de cataracte vint clore à jamais sa carrière d’artiste. La cataracte fut opérée, et avec succès, en 1743 ; mais quelques mois après, elle revenait ; et depuis lors la vie de la Rosalba ne fut plus qu’un martyre. A la perte de la vue et à toutes sortes d’autres infirmités physiques s’était jointe encore une profonde mélancolie, qui finit même par dégénérer en véritable folie. Et longtemps encore, la malheureuse continua de vivre, tandis que tous ceux qu’elle avait aimés disparaissaient autour d’elle. Elle mourut le 15 avril 1758, à quatre-vingt-deux ans. Elle laissait par testament 2 500 ducats pour qu’à perpétuité, des messes fussent dites, pour le repos de son âme, dans l’église de San Vio, où elle avait demandé à être enterrée. Mais non seulement personne ne songe plus, depuis longtemps, à dire des messes pour le repos de son âme : le repos même du corps ne lui a pas été accordé. En 1808, l’église de San Vio fut profanée et détruite ; et personne ne sait plus aujourd’hui ce que sont devenus les restes mortels de la Rosalba.
T. DE WYZEWA.