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de la province pauvre du Kouï-tcheou. Les navires européens pourront ainsi aller charger et décharger les marchandises beaucoup plus près des centres de consommation et de distribution, éviter des transbordemens coûteux et les exactions oppressives des préposés aux douanes intérieures. Douze nouveaux ports de traité ont en outre été ouverts depuis la guerre : les commerçans européens pourront s’y établir et se rapprocher ainsi plus encore du consommateur. Ce qui est plus précieux, c’est que, dans l’une des parties les plus riches et les plus vastes de l’Empire, les douanes intérieures, le plus grand fléau du commerce, vont être perçues régulièrement, au grand bénéfice aussi bien du trésor impérial et des recettes des provinces que des négocians chinois et étrangers : les likins du bassin du Yang-tze constituent, avec la partie disponible des revenus des douanes, le gage du troisième grand emprunt chinois contracté avec les banques anglaises et allemandes. En conséquence, le service de perception de ces droits va former une annexe du service des douanes impériales, et sir Robert Hart a été chargé de l’organiser et d’en recruter les cadres européens. La transformation de ces taxes oppressives et arbitraires en impôts régulièrement perçus, est une vraie révolution.

Le fait capital de ces quatre dernières années, c’est toutefois la constitution d’un réseau de chemins de fer chinois, à laquelle est venue s’ajouter l’autorisation donnée à des étrangers d’exploiter certaines des plus grandes richesses minières de l’empire.


I

Jusqu’à ces dernières années, la Chine n’avait montré qu’elle comprenait l’importance des voies ferrées qu’en résistant avec la plus grande énergie à l’introduction sur son territoire de cet emblème par excellence de la civilisation moderne. La classe gouvernante voyait confusément les changemens profonds que pourrait entraîner, dans la vie économique, puis, par contre-coup, dans le système politique de l’empire et dans sa propre situation privilégiée, l’établissement de moyens de transport rapides et à grande capacité. D’autre part, la routine empêchait les commerçans eux-mêmes d’en bien saisir les avantages ; et les superstitions populaires, que partageaient des personnages des plus haut placés, ne pouvaient qu’en être choquées. Un censeur ne disait-il pas encore, après cette guerre avec le Japon qui a mis le Céleste