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leur but unique, dans tous leurs rapports avec lui, il semble qu’elles doivent se déclarer satisfaites du moment qu’on peut, dans une large mesure, dans la mesure du possible, en tout cas, le considérer comme atteint. Sans doute il est fort différent de coloniser un pays ou de se borner à commercer avec lui. Le simple négoce, qui n’intervient en aucune façon dans la production elle-même, peut avoir pour effet de stimuler celle de certains articles, en ouvrant un débouché aux excédens qui ne sont pas absorbés par la consommation locale, mais il ne modifie aucunement les conditions économiques de l’intérieur, n’introduit ni perfectionnement ni méthode nouvelle, n’augmente donc guère la richesse du pays ; par suite, le commerce extérieur ne s’accroît que lentement. La colonisation, au contraire, consiste précisément à modifier les conditions du marché intérieur, à y introduire de nouvelles méthodes, de nouveaux modes d’exploitation des richesses naturelles, à y fixer des capitaux, à y créer des industries ; elle est donc susceptible de transformer complètement un pays, de multiplier quelquefois sa richesse presque à l’infini, comme elle l’a fait en Amérique. Or jusqu’au traité de Shimonoseki, les Européens n’ont fait que commercer en Chine, et le volume de leur négoce avait fini par ne plus augmenter que lentement, le pays restant toujours immuablement figé dans sa vieille civilisation, et le gouvernement fidèle à ses traditions oppressives et hostiles au progrès. Depuis quatre ans, au contraire, on peut dire que les étrangers colonisent puisqu’ils modifient les méthodes et les conditions de la production, qu’ils exploitent des richesses qui avaient dormi jusqu’alors : les filatures de coton élevées à Shanghaï, les constructions de chemins de fer, l’ouverture des mines et, l’on peut même dire, l’autorisation de naviguer à vapeur sur tous les cours d’eau, le transfert de la perception des likins de la vallée du Yang-tze aux mains de l’administration européenne des douanes, ce sont là des œuvres de colonisation.

La mise en valeur de la Chine est ainsi commencée collectivement par toutes les principales nations étrangères en relations avec l’Extrême-Orient : chacune y a sa part. Pour ne parler que des chemins de fer, la Grande-Bretagne, avec le réseau du Petchi-li, déjà exploité, et son prolongement vers Newchwang, les lignes partant de Shanghaï, celle de Canton à Hong-Kong et celles du Peking Syndicate, a 2 300 kilomètres environ à construire ; en y joignant 500 kilomètres environ pour sa part dans le Canton-Hankéou,