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retentissante, est allé chercher en Allemagne les théories démodées du socialisme d’État idéaliste pour les opposer, avec une remarquable vigueur dialectique, au marxisme « en décomposition. » M. Andler se fait fort de créer la justice socialiste à coups de décrets. Nous voilà revenus aux vieilles utopies de 1848.

Idéalistes ou non dans les théories, les socialistes français se montrent très opportunistes en matière de tactique, lis ne diffèrent que par le degré. Ils se rendent compte que les classes ouvrières sont avant tout préoccupées de réformes pratiques. M. Paul Brousse a inventé et appliqué le possibilisme longtemps avant M. Bernstein. M. Jaurès, M. Millerand ne font que suivre en triomphateurs la voie qu’il a tracée. Mais cela n’est point sans péril. Le mouvement politique en France a toujours devancé le mouvement syndical et coopératif. L’exemple de l’Angleterre, de la Belgique, prouve au contraire que la classe ouvrière a beaucoup plus d’avantage à s’organiser elle-même qu’à tout attendre des politiciens. Les démagogues bourgeois sont un danger pour les classes ouvrières. Si tel événement, telle surprise amenaient les socialistes au pouvoir, il en résulterait sans doute, comme en 1848 et en 1871, une réaction violente, un recul du mouvement ouvrier.

Quoi qu’il en soit, le socialisme tend à s’incorporer à la démocratie, à se fondre en elle. C’est le phénomène le plus marquant de ce siècle qui va finir. Bientôt peut-être il faudra modifier le mot de Royer-Collard, et dire : « Le socialisme coule à pleins bords. »


J. BOURDEAU.