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dette de Cuba : c’est un des points sur lesquels les plénipotentiaires espagnols ont le plus longuement et le plus vaillamment résisté. Il leur paraissait de toute justice que, si les Américains prenaient le bon, ils prissent également le mauvais. À quoi les plénipotentiaires de l’Union ont répondu, non sans quelque subtilité, qu’ils ne « prenaient » pas Cuba, qu’ils en acceptaient seulement la garde ; que l’Espagne renonçait bien à tout droit de souveraineté et de propriété sur cette île, mais qu’elle ne la leur cédait pas, tandis qu’elle leur cédait Puerto-Rico et les derniers débris qui lui restaient des Indes occidentales, avec l’île de Guam dans l’archipel des Mariannes ou Ladrones, — cela gratuitement, — et, — ceci contre une indemnité de 20 millions de dollars : — l’archipel des Philippines[1] ; que grande était la différence, et que, comme l’Espagne ne leur cédait pas Cuba, elle ne pouvait donc leur céder davantage la dette de Cuba.

Les commissaires espagnols, il est vrai, eussent pu répliquer que, du moment que l’Espagne était forcée de renoncer à Cuba, elle ne faisait point de difficultés à y renoncer en faveur des États-Unis ; au contraire, sa dignité, ou, si l’on veut, son amour-propre, son « point d’honneur » y pourrait trouver des ménagemens ; et ils ont dû le laisser nettement entendre pendant les quatre heures qu’a duré la discussion ; mais c’étaient les délégués américains qui étaient inébranlablement résolus à ne pas vouloir que le protocole portât : en faveur des États-Unis. « Bien claire est la raison de cette résistance, écrit M. Montero Rios[2] ; ces messieurs comprennent que, si les États-Unis acceptent la souveraineté sur l’île de Cuba, soit pour la conserver, soit pour la transmettre au peuple cubain, il leur faudra être directement responsables, en faveur de l’Espagne, de tout ce que la cession doit emporter avec elle. Si résolus qu’ils soient à s’opposer à ce que par la cession passent les charges, sans doute comprennent-ils que l’évidente justice des demandes espagnoles les obligera à céder peu ou prou sur ce point. Et, pour éviter que ce soient les États-Unis qui aient à supporter les charges transmises, ils se refusent à paraître accepter la souveraineté à laquelle nous renonçons sur la Grande Antille. »

  1. Tratado de Paz, art. 3. Livre rouge, p. 304-305.
  2. El présidente de la Comision española de la Paz al ministro de Estado, 15 oct. 1898. Livre rouge, no 29, p. 49.