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c’est du sucre et de l’alcool qu’elle tirerait d’un bois de fauteuil !

Cependant, pour ne pas sortir de Cuba, la fabrication et la culture même, dans leurs méthodes ou leurs procédés, subissaient des modifications profondes, et le revenu, de ce fait, s’est relevé. Alors que, vers 1825, les plantations les plus étendues dépassaient rarement 1 500 acres de superficie, ne produisaient guère que 350 tonnes par an, ne représentaient en capital, — terre, magasins, machines, stock et esclaves compris, — que 500 000 duros (2 500 000 fr.) avec un revenu de 60 000 (300 000 fr.) 30 000 duros (150 000 francs) de frais, laissant un bénéfice égal, 150 000 francs ; au contraire, dans les derniers temps, ont apparu des plantations de 25 000 acres, représentant un capital investi de 10 millions de francs, avec un rendement annuel de 5 millions, dont 4 millions sont à prélever pour les frais et qui laissent un million de bénéfice net ; du 10 pour 100 en 1894, au lieu de 6 pour 100 en 1825[1]. Ainsi, la culture de la canne à sucre tend de plus en plus, elle aussi, vers la grande, la très grande culture ; et le nombre des plantations a diminué, à mesure que s’accroissait leur étendue. L’esprit d’initiative s’est développé parallèlement dans les usines, et l’outillage de quelques-unes d’entre elles ne craint la comparaison avec aucune autre. Il faut compter 500 000 dollars (2 500 000 francs) pour un ingenio central, capable de rendre 1 000 tonnes par jour pendant la saison. On a construit pour les employés des habitations confortables et commodes ; établi sur plusieurs milles et garni de wagons et de locomotives des voies ferrées pour apporter, des extrémités du domaine, la canne aux cylindres qui la broient ; sur ce domaine vivent 2 000 employés et ouvriers, et 1 000 têtes de bétail ou bœufs pour le travail des terres. C’est là sans doute une colonia modèle, et sans doute toutes les colonias cubaines ne sont pas des modèles ; mais, grâce à tant d’intelligens et persévérans efforts, il n’est pas défendu d’espérer que la production du sucre de canne puisse atteindre sous peu, et peut-être dépasser les 2 millions de tonnes que lui promettait en 1896 D. Manuel Carreño.

Et si, d’après le tableau dressé au 5 janvier 1899 par MM. Willet et Gray, la production totale du sucre, canne ou betterave, qui, en 1896, était, on s’en souvient, de 6 800 000 tonnes métriques

  1. Robert P. Porter, Industrial Cuba, p. 283.