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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 septembre.


Le Conseil de guerre de Rennes a rendu son arrêt. Nous avons déclaré d’avance que nous nous inclinerions devant lui : nous tenons notre parole, et nous nous inclinons, en effet, sans aucune arrière-pensée. Tout le monde applaudissait, il y a quelques jours, M. le Président de la République lorsqu’il disait, à Rambouillet, que c’est là ce qu’il faudrait faire, car aucune société humaine n’était possible si les décisions suprêmes de la justice n’étaient pas respectées. M. Loubet avait raison. Chacun a le droit de conserver son sentiment intime sur le fond de l’affaire, mais tous ont le devoir de se soumettre à un arrêt qui est devenu définitif. Lorsque, il y a deux ou trois ans, l’arrêt de 1894, — le premier qui a condamné Dreyfus, — a été attaqué, l’opinion des hommes les plus impartiaux et les plus consciencieux est passée par des phases successives. Les partisans de la revision du procès ont commencé par la demander sans aucun motif juridique. Après leur avoir laissé un temps de raison suffisant pour trouver ces motifs, nous avons constaté qu’ils ne trouvaient rien, et que l’agitation entreprise serait d’autant plus malfaisante qu’elle paraissait devoir être stérile. Et nous nous sommes alors opposé à la revision. Puis est venu le coup de foudre du faux Henry. La situation a été subitement changée. La revision, qui était impossible la veille, est devenue possible le lendemain. Nous avons cessé de la combattre ; nous l’avons même formellement demandée, dans l’espoir qu’une instruction nouvelle de l’affaire dissiperait les obscurités et les équivoques qui pesaient sur elle.

Le respect de la chose jugée, si nécessaire qu’il soit, ne peut être absolu et sincère que si toutes les règles de la justice ont été scrupuleusement observées. La découverte du faux Henry, et le suicide d’un homme qui avait été le principal témoin du procès de 1894 pouvaient jeter un doute légitime sur la régularité de ses opérations. Mais, à