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prémonitoire ou critique. Elle annonce l’approche, le départ ou le voisinage de la peste véritable.


V

Peste pneumonique. — L’infection de l’organisme par le microorganisme de la peste peut se faire par les voies aériennes. Mêlé aux poussières ambiantes, il pénètre avec elles jusque dans les bronches, s’y attache et devient le point de départ d’une pneumonie spéciale.

Cette pneumonie est particulièrement grave, à la fois pour le malade et pour ceux qui l’entourent. Les produits expectorés sont remplis de bacilles qui, desséchés, se mêlent aux poussières et vont répandre partout la contagion sous sa forme la plus redoutable. En effet, la pneumonie pesteuse est toujours ou presque toujours mortelle. Les statistiques les plus favorables indiquent à peine une guérison sur dix cas. Les épidémies les plus meurtrières sont celles où la contagion prend cette forme. Le malheureux médecin de Vienne, H. Müller, et son garçon de laboratoire, Barisch, furent emportés en trois jours. La mort, au quatrième jour, est le fait ordinaire : rarement l’affection se prolonge jusqu’au huitième ou au neuvième jour. L’intensité des troubles respiratoires, les crachats sanglans, révèlent cette transformation redoutable de la maladie.

On comprend, d’après ces rapides indications, comment les historiens et les chroniqueurs ont eu raison, mais sans le savoir, lorsqu’ils ont désigné du nom commun de peste des épidémies que les écrivains médicaux plus récens ont voulu distinguer parce qu’elles n’offraient par les mêmes symptômes. Les études bactériologiques contemporaines nous obligent à réunir de nouveau, sous le même nom générique, la peste bubonique commune et la peste pneumonique plus rare et plus grave, puisque ces affections ont la même cause, le même agent. Lorsque le microbe pénètre d’emblée jusqu’au poumon, par les voies aériennes, on n’observe plus les bubons ordinaires ; les ganglions enflammés sont, alors, sans doute, ceux mêmes du poumon qui restent cachés au regard. D’autre part, la lésion de l’organe respiratoire, superposant ses manifestations morbides à celles qui traduisent l’infection générale de l’organisme, imprime à la maladie une marche et un aspect particuliers. Mais, cette diversité