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conditions la marche de ces poussières qui, transportées par les vents vers l’Est, à travers l’immense bassin du Lob-Nor, et remaniées à plusieurs reprises, finissent par aller constituer, dans les plaines de la Chine, le lœss ou terre jaune dont la fertilité est si connue. La dernière crête que nous avons traversée est formée par des terrains triasiques inférieurs, sur le versant oriental desquels s’appuient des marnes irisées, rouges et vertes. Nous retrouverons ces terrains pendant plusieurs jours : ils composent la majeure partie du pays que traverse le Kizil-Sou, depuis ses sources jusqu’au moment où il débouche dans la plaine de Kachgar.

C’est donc, en dernière analyse, à des emprunts faits dans les marnes irisées des monts Tian-Chan que doit être attribuée l’origine première de cette terre jaune que les voyageurs en Chine ont rencontrée dans des stations successives, toujours amenée de l’Ouest par les vents et par les eaux, mais toujours à l’état de terrains remaniés, et jamais en place. Des emprunts analogues sont faits, évidemment, aux montagnes situées plus à l’Est, entre le Lob-Nor et le bassin du Hoang-Ho.

La façon dont s’est produit ce remaniement a été longuement discutée par les géologues, et il existe, sur le mode de formation du lœss, de nombreuses théories, dont la plus autorisée et la plus étudiée est celle de Richthofen, l’éminent géologue allemand.

Dans la même plaine, nous rencontrons une petite bande de tiik (Antilope subgutturosa), formée de cinq ou six animaux. Ils marchent en broutant et en trottinant à la façon des gazelles. Ils s’arrêtent plusieurs fois pour nous regarder, mais ils paraissent assez farouches et ne se laissent pas approcher à moins de 400 mètres. Je les observe quelque temps, mais la poussière qui obscurcit l’air, la fatigue de nos chevaux et la nécessité de faire ce jour-là une longue étape, m’empêchent de leur donner la chasse, ce qui, d’ailleurs, serait peu utile. À ce point du voyage, je ne puis songer à les conserver comme échantillons zoologiques, et nous avons en abondance de la viande, celle des mouflons tués la veille.

Nous nous dirigeons vers la pointe méridionale de la ligne de hauteurs aperçues dans l’Est. Là, le passage qui mène à la plaine ouverte est gardé par un petit fort chinois, appelé Min-Youl. Il paraît que nous devons y faire viser nos passeports, dont a eu soin de nous munir, à Och, la chancellerie du colonel Deibner. Du moins, telle est la règle pour les indigènes qui composent mon convoi, car, pour ma part, un cas analogue au mien ne s’étant