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chapelle. Il ne perd pas tout son charme dans un musée. Il s’agit des œuvres créées dans une intention décorative et pour un ensemble déterminé. Il s’agit de ce qui est fait pour subir les révolutions de l’ombre et du jour, pour baigner dans la vie ambiante et dans la foule, pour les colorer, pour y imprimer son effigie, pour donner, en un mot, une figure à la cité. Il s’agit des portes, des façades, des bas-reliefs, des fontaines, des ponts, des stèles, des autels ou des tombeaux. Il s’agit de ces figures taillées pour se pencher dans le vide, comme les gargouilles, pour humaniser l’horizon, comme les statues, pour borner les champs, comme les Termes, pour commémorer une victoire, comme les colonnes, ou un prodige, comme les chapelles, ou pour dominer la ville et faire lever les regards des citoyens, comme jadis les métopes du Parthénon ou ses Panathénées.

Voilà les œuvres qui, conçues en dehors des musées et avant les musées, ont une fonction dans l’empreinte quotidienne que fait à l’imagination la vie. Prenons l’exemple le plus célèbre : celui des Panathénées, et imaginons-les au moment de leur gloire. Tandis que la ville vaque à ses affaires, à son lucre, à sa politique, à ses plaisirs, cette procession, qui ne se fait qu’une fois tous les trois ans, se poursuit sur les frises du temple et tout Athénien levant les yeux vers l’Acropole y devine la présence de son image, qui ne quitte point le sanctuaire. Il se dit que l’image survivra à la réalité, la statue à l’homme, et peut-être le chef-d’œuvre au culte, l’adorateur à la Divinité. Sa figure de marbre, taillée là-haut dans le pentélique, ne changera point. Ces genoux qui pointent en avant, étreignant le cheval cabré, ne fléchiront point, ces joues demeureront pleines, ces torses garderont leur souplesse, ces cheveux ne tomberont jamais, et, ainsi, les générations successives ignoreront si les hommes représentés là-haut souffrirent jamais la décrépitude. Sans doute, cette vie qu’on prête au marbre n’est qu’illusoire, mais la vie plus intense qu’on éprouve à leur vue est réelle. Sans doute, ce n’est là qu’une ombre d’humanité, mais l’humanité passe et cette ombre fixée sur ce mur rivalise de durée avec les montagnes qui environnent l’horizon et avec ces étoiles vers lesquelles, à chaque angle, les figures de pierre semblent s’acheminer, le soir…

Retirez ces figures de la vie et de la vue de la foule, et mettez-les dans un musée, que de viennent-elles ? Pour le savoir, allons observer ce que deviennent les Elgin marbles, dans leur