Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est vivant. Vivante aussi cette thèse sur la Certitude morale où l’auteur se montre si fermement, si personnellement attaché à sa foi religieuse. Aborde-t-il Aristote à qui il consacre un important Essai ? Ce n’est pas pour en présenter une reconstruction érudite ; c’est pour l’animer devant nous et recueillir ses réponses sur ces questions touchant le bonheur et la destinée de l’homme, que nous nous posons encore. Enfin il se met tout entier dans ces derniers écrits où sa pensée se fait pressante, agissante, et où il trace des devoirs spéculatifs de l’homme et des prérogatives de l’action une vive esquisse. Voici donc un écrivain extrêmement personnel, qui s’est appliqué aux questions les plus diverses et j’ajouterai les plus délicates et les plus intimes, qui, rompant avec une méthode consacrée, a philosophé librement, de l’abondance du cœur, sans mot d’ordre pris dans une école, sans autre règle que le souci de la vérité, sans autres ressources que les moyens tout humains d’y atteindre : il semble bien que l’auteur de tant d’ouvrages excitateurs et consolateurs où se retrouve l’accent de l’âme ne puisse que difficilement se rattacher au mouvement général de la pensée spéculative en notre siècle. Si l’on voulait cependant lui chercher des parentés, on pourrait à bon droit le rapprocher de Secrétan, de Vinet, de Gratry, de Newman, de tant de nobles penseurs qui, à l’exemple de Pascal et de Maine de Biran, ont demandé à leur philosophie d’apporter une lumière à l’intelligence et une force invincible au cœur. Et si l’on tenait à déterminer d’un mot le sens de son entreprise, on dirait qu’il a voulu constituer sur des bases rationnelles une philosophie pratique s’adressant à l’homme purement et complètement homme, et qu’il nous a ainsi dotés d’une philosophie religieuse, la plus ferme et la plus sincère que notre siècle ait connue.

Le caractère essentiellement moral de sa spéculation ne permet point de le rattacher, comme on le fait pourtant d’ordinaire, au spiritualisme classique, tel que Jouffroy le développe et que Victor Cousin le promulgue. Pour ce spiritualisme, nulle préoccupation religieuse ne saurait se produire en dehors de celles qu’il autorise lui-même. Ses efforts portent ailleurs. Il s’agit de distinguer le jeu des facultés en les empêchant d’empiéter les unes sur les autres ; il s’agit de circonscrire avec précision les différens domaines où elles s’exercent, de tracer des limites entre l’esprit et le corps, le cerveau et la pensée, la science et la métaphysique, la philosophie et la religion ; et il s’agit surtout de ne point