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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/209

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de cour, on ajoute un lit de terre, puis on recommence à stratifier la chaux, les débris végétaux, et enfin on couvre le tout avec la terre extraite au moment du creusement du fossé ; celle-ci fait saillie au-dessus de la surface du champ, de là le nom de tombe qu’on donne à ces composts. Il faut les visiter assidûment, pour boucher les crevasses qui se produisent au moment où le gonflement de la chaux augmente le volume du mélange ; on le laisse ensuite en repos, pendant un ou deux mois ; les débris végétaux sont attaqués, perdent toute cohésion ; aussi, en recoupant à la bêche, a-t-on une masse homogène facile à épandre régulièrement.


Les personnes qui n’ont pas eu occasion de constater de visu les changemens prodigieux qu’apportent la chaux ou la marne, sur les terres granitiques, schisteuses, tourbeuses, où le calcaire fait défaut, peuvent s’en faire une idée, par l’exemple classique du Limousin : à la fin du siècle dernier, le tableau qu’en font Turgot qui l’administre, Arthur Young, qui le parcourt, est navrant ; la misère est extrême, bien souvent la châtaigne est la seule nourriture des habitans, qui vendent, pour payer les impôts, le peu de grain qu’ils récoltent ; le pain de froment est réservé aux bourgeois des villes, les paysans n’en mangent jamais. Aujourd’hui, l’aisance règne dans ce pays jadis déshérité ; elle est née du jour où a été construit le chemin de fer de Châteauroux à Limoges qui a permis à la chaux de l’Indre et du Cher d’arriver dans la Haute-Vienne ; elle s’est développée quand les phosphates ont apporté, aux terrains primitifs de cette région, le second aliment végétal qui y faisait défaut.

Dès le commencement du siècle, la culture misérable du Maine a été transformée par l’application de la chaux, et sous son influence la Bretagne s’enrichit peu à peu.

L’efficacité des amendemens calcaires, sur les terres granitiques, schisteuses, tourbeuses, sur les terres fortes est tellement bien établie qu’il n’y a pas lieu de la discuter. En revanche, leur mode d’action est resté longtemps ignoré.

L’idée qui se présente naturellement à l’esprit, que la chaux apporte à la terre un aliment nécessaire à la végétation, est évidemment très incomplète.

Il est à remarquer tout d’abord que la chaux n’existe, dans la plupart des plantes cultivées, qu’en très minime proportion : une récolte moyenne de pommes de terre enlève à un hectare de 3 à