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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/633

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des journaliers, des petits métayers pauvres qui cultivent la terre « au tiers, » et vous aurez le sommaire à peu près complet de la population brantômaise, en y comptant aussi quelques petits métiers spéciaux, comme les « truffiers. » Ah ! le « truffier ! » Il possède une truie dressée à prouver les truffes, loue aux propriétaires le droit de les chercher « sur eux, » et il faut le voir fonctionner. Dès les premières gelées, il se met on campagne avec sa truie, une petite baguette de fer et deux poches sous sa blouse, l’une garnie de maïs, et l’autre vide. Puis, il va battre les terres maigres, les landes, les coteaux caillouteux, là où le sol pelé, dartreux, annonce les truffières. Alors, à chaque truffe qu’elle flaire, la truie fouille la terre de son groin, mais le truffier, à l’instant même, lui applique un coup de sa tringle sur le nez, lui tend une poignée de maïs, la lui donne à manger, et met, pendant ce temps-là, la truffe dans sa poche. Et jamais une seule fois, de mémoire de truffier, la truie, à ce coup de baguette, n’a ainsi manqué de se jeter sur le maïs, pendant qu’on lui prenait la truffe !


VI

Bien que le pays ne soit pas pauvre, la richesse, ou tout au moins une certaine richesse, n’est pas, et ne peut pas être, le fait d’une localité comme Brantôme. Les environs, dans leur décor de collines, de roches, de prairies, de tournans de rivière et de moulins, sont pleins de pâturages plantureux, de bonnes terres, de jolies métairies. La vigne est magnifique, la volaille excellente, le bétail superbe, et les bœufs de Brantôme sont renommés. Enfin, outre les neuf foires de l’année, foires de porcs, de bœufs gras, de bœufs de travail, un marché a lieu chaque semaine, où le blé, les fruits, les légumes sont en abondance ; les noix se récoltent à profusion. Sur tout cela, seulement, on trafique en petit, par de petits moyens, avec de petites ressources. Les transports se font en carriole, à mule, à âne, par bœufs, par le tramway, et l’un des caractères de la vie brantômaise est la petitesse des opérations et des budgets. Une fois par an, à la foire Sainte-Catherine, il se vend une moyenne de cent paires de bœufs gras, représentant cent vingt à cent cinquante mille francs, mais la Sainte-Catherine est une foire unique. Les deux marchands drapiers, d’autre part, font aussi quelques « affaires, »