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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/878

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REVUE DES DEUX MONDES.

mariage de Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse, donnant ainsi à la maison de Bourbon l’espérance secrète de l’héritage de la monarchie espagnole.

La barre de la Bidassoa mérite bien son nom. En basses eaux, en effet, elle ferme presque complètement l’entrée du fleuve, ne laissant qu’un très étroit passage entre la pointe des Dunes, sur la côte française, et le faubourg de la Madalena, sur la côte espagnole. Deux fois par jour, elle est recouverte par le flot ; l’estuaire se remplit alors lentement, et un petit bras de mer aux vagues clapotantes sépare les deux villes anciennement ennemies d’Hendaye et de Fontarabie. Quelques heures après, le lit est à sec ; on peut passer à gué d’une rive à l’autre, et c’est à peine si quelques filets d’eau sillonnent d’immenses bancs de sable émergés[1].

II

La « très-loyale, très-valeureuse et très-sainte cité de Fontarabie, » comme on peut le lire sur sa principale porte, la Puerto, Mayor, dont l’écusson en haut relief, timbré de ses armes, est couronné par la statue de la vierge de la Guadalupe, n’est plus qu’une assez pauvre bourgade ; mais elle conserve des souvenirs incomparables de son noble passé. Campée sur les dernières croupes de l’âpre Jaizquibel et dominant la vallée de la Bidassoa, elle demeure comme une sentinelle avancée, à peu près inutile aujourd’hui, mais glorieuse, mutilée, et rappelant par sa fière tournure les principaux épisodes de sa vie guerrière et féodale. Tout autour de la ville, les débris de l’enceinte éventrée par de nombreuses brèches, criblée de trous de boulets ; par derrière, un dédale de rues étroites et mystérieuses ; au milieu, l’ancienne place d’armes et le château de Charles-Quint, dont les premières assises, en blocs cyclopéens, remontant peut-être au commencement du Xe siècle, supportent un rez-de-chaussée massif du XIIe siècle, puis de hautes et épaisses murailles du XVe ou du XVIe siècle, en partie démolies, percées d’étroites fenêtres à colonnes enguirlandées de lierre ; tout en haut, enfin, la cathédrale avec son porche, de style mi-gothique, mi-Renaissance, ses trois absides, son élégant campanile, sa terrasse munie d’embrasures rappelant le siège de 1638, et son jardin dévasté.

  1. Beautemps-Beaupré et Bouquet de la Grye, Plans de la baie de Fontarabie (1829 et 1867).