Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jours, couvrir pendant des mois entiers et très probablement pendant toutes les nuits la zone marécageuse du futur Médoc. L’énorme quantité d’écailles d’huîtres indique que ces mollusques abondaient déjà dans les étangs voisins et qu’ils entraient pour une large part dans l’alimentation d’une population qui devait compter surtout des marins et des pêcheurs.

La prospérité de Bordeaux ne date en réalité que du premier siècle de notre ère. C’est alors que l’on voit figurer pour la première fois, d’une manière officielle, les Bituriges Vivisci, qui constituaient un groupe défini de la grande confédération gauloise et l’un des soixante peuples de la Gaule Chevelue ayant leur cité propre, civitas Biturigum Viviscum, dont le centre était Burdigala. C’est à ce titre qu’ils ont assisté au grand concilium tenu à Lyon, où l’on trouve en effet leur nom gravé sur l’autel de Rome et d’Auguste élevé par les Trois Gaules au confluent du Rhône et de la Saône. Dans le groupement de la Gaule en trois grandes provinces — l’Aquitaine, la Celtique et la Belgique — les Bituriges Vivisci furent l’un des quatorze peuples ajoutés par Auguste aux Ibéro-Aquitains pour former la province Aquitaine ; ils conservèrent d’ailleurs toutes leurs libertés, et leur emporium, Burdigala, fut officiellement reconnu capitale de la nouvelle province. Burdigala n’était pas une colonie, mais une de ces villes privilégiées qu’on appelait civitates libérée ; à ce titre elle possédait l’immunitas, c’est-à-dire qu’elle était exempte d’impôts ; elle jouissait de la « latinité ; » elle avait un collège de magistrats auquel on conféra des titres et des honneurs spéciaux enviés par les villes même d’Italie ; elle associait le culte d’Auguste à celui de son dieu topique, Genius civitatis ; enfin, au IVe siècle, qui paraît avoir été l’époque de son apogée, elle devenait la métropole de l’Aquitaine Seconde, Metropolis Civitas Aquitaniæ Secundæ, et comprenait sous sa juridiction cinq autres civitates ; celles d’Agen, d’Angoulême, de Saintes, de Périgueux et de Poitiers. Mais son port tout à fait intérieur n’était, à tout prendre, que l’estuaire convenablement élargi de la Devèze ; il pouvait avoir une longueur de 400 à 500 mètres, une largeur de 150 à 120 ; et il débouchait dans le fleuve à peu près entre les quais modernes de Bourgogne et de la Douane.

Comme topographie générale, le sol sur lequel est établie Bordeaux présente une série de petites collines dont l’altitude maximum est d’une dizaine de mètres au-dessus des bas-fonds dans