lesquels coulaient la Devèze, la Peugue et trois ou quatre autres petits ruisseaux tous plus ou moins divinisés suivant le mode antique et qui devaient avoir chacun leurs autels et leurs dévots. La ville palustre avait occupé, dans les temps préhistoriques, les marécages ; la ville gauloise s’éleva par degrés sur ces petites hauteurs et s’étendit tout autour. Toutefois, l’agglomération biturige, malgré son importance, n’était qu’une énorme bourgade dépourvue de monumens ; et on n’a conservé traces ni souvenirs d’aucun édifice public, à part les petits nymphées des sources et peut-être un temple de Mercure établi sur le plateau de Puy-Paulin. On sait que Mercure était un dieu très gaulois et que, si les divinités aimables et aimées, comme les nymphes, pouvaient se contenter d’un modeste autel près d’une gracieuse source, les dieux puissans et redoutés, comme Jupiter et Mercure, étaient adorés dans des temples plus sévères et presque toujours sur un faîte dominateur. La première ville barbare devait vraisemblablement être en chaume et bois, en pisé ou torchis, tout au plus en très grossière maçonnerie ; elle n’était ni ceinturée ni protégée par un oppidum, et il n’en est rien resté.
Les Bituriges, d’ailleurs, ne sont pas nommés par César ; et ils paraissent n’avoir pas fait grande figure dans la guerre de l’indépendance, et avoir laissé à de plus forts ou de plus braves qu’eux l’honneur et le danger de la résistance. Lorsque Rome mit la main sur Burdigala, le pays ne perdit pas grand’chose à la conquête ; il y gagna au contraire la paix, cette fameuse pax romana des légendes des monnaies classiques et qui se traduisit immédiatement par un réel accroissement de fortune.
Admirablement placée, entre l’Océan et la Garonne qui lui ouvraient l’un la route de l’île de Bretagne, l’autre celle de Marseille et de l’Orient, Bordeaux put recevoir, dès l’origine des temps historiques, les leçons des premières civilisations en plein épanouissement dans le bassin de la Méditerranée et dut pressentir de très bonne heure que son avenir était dans le grand horizon de mer qui s’étendait devant elle. La vigne parait y avoir été cultivée bien avant la conquête, et son riche produit considéré de tout temps comme un élément d’exportation. Le « vin biturige » était déjà apprécié au Ier siècle, plus de deux cents ans avant qu’Ausone l’ait pompeusement célébré dans ses descriptions de la campagne bordelaise, de ce « pays gras, riche et joyeux, qui produisait à la fois les blés dorés, les huîtres savoureuses et