Vers la fin de juin dernier, le poète, le romancier, le « radical » de la Prairie était en visite chez moi, dans une petite maison des environs de Paris que sa puissante personnalité d’homme primitif, de sauvage de l’Ouest, semblait faire craquer de toutes parts, et il disait avec ce rire d’enfant qui éclate soudain à travers les paradoxes violemment subversifs ou la gravité mélancolique de ses discours : « Je suis plus étonné de me trouver ici que je ne l’ai été de mon voyage au Klondyke, commencé l’été dernier presque à pareille époque. »
Un artiste ne ressemble que très rarement à son œuvre, parce qu’en ce monde, l’absolue sincérité est rare. On la rencontre cependant, cette sincérité âpre et fraîche, d’une saveur à part, on la rencontre intacte chez Hamlin Garland. En le lisant, il est impossible de l’imaginer autre qu’il n’est. Tout ce qu’il décrit de la rude vie des défrichemens de l’Ouest central, il l’a fait : « De ces mains-là, m’a-t-il plusieurs fois répété, j’ai labouré des centaines et des centaines d’acres. Je ne parle de rien que je n’aie accompli moi-même ; j’ai, à la sueur de mon front, changé le désert en champ de blé ; quand je plaide la cause du peuple, je me sens peuple jusqu’aux moelles. » Ce qui ne l’empêche pas d’être de bonne race