maintenant, au point de vue de l’art et de la société, les Idoles croulantes, tout en étudiant ce qu’il appelle aussi « le développement des idéals américains. » Puis il revint dans son pays natal qui l’attirait invinciblement ; son génie ne pouvait battre des ailes et planer librement que là.
Me montrant une série de photographies faites par lui qui reproduisent la ferme en bois où vivent encore ses vieux parens et, dans cette ferme, son cabinet de travail, rempli de reliques et de curiosités indiennes, armes, poteries, engins de chasse et de pêche, souvenirs variés de ses amis les Peaux-Rouges, me faisant remarquer les principaux sites qui environnent cette maison paternelle, tout un album qui ne le quitte jamais, Hamlin Garland entremêle à des réminiscences personnelles celles de ses personnages. Très certainement ils existent pour lui, ils sont vivans aussi pour le lecteur.
— Cette route-là, me dit-il, est celle qu’a suivie le volontaire Smith, revenant de la Nouvelle-Orléans à la Crosse après notre guerre civile.
Et tout de suite, je crois voir le pauvre héros obscur traîner la jambe lentement, le mousquet au dos, le long de ces champs que son absence a laissés en friche[1]. On ne lui fait pas d’ovation, il ne recevra pas de récompense. La fièvre, des blessures, une santé détruite, voilà ce qu’il rapporte. Avec le même courage qu’il montrait naguère pour aller au feu, il aborde aujourd’hui un avenir presque aussi triste que le passé, car sans doute il en a fini avec la guerre, la grande guerre entre Nord et Sud, mais sa guerre à lui, la guerre quotidienne contre la nature, contre la cruauté des choses et l’injustice des hommes, va recommencer. C’est tout un petit poème épique d’une poignante tristesse, ce retour du soldat chez qui le patriotisme a été plus fort même que l’amour de la terre. Lui qui travaillait nuit et dimanche, comme on dit là-bas, il a, tout à coup, jeté la faux et la cognée, endossé l’uniforme bleu, il a pris rang dans les milliers de rouages anonymes d’une vaste machine à tuer les hommes et non plus les chardons. Pendant que beaucoup de millionnaires envoyaient leur
- ↑ Main Travelled Roads, Hamlin Garland, 1 vol. New-York et Chicago, 1895.