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voulurent couper les câbles qui reliaient Santiago à la Havane, afin d’isoler, de toute communication par le Sud, le maréchal Blanco déjà sans communication avec le Nord. Ces câbles se développent le long de la côte sud de Cuba et ont plusieurs atterrissages. A l’un d’eux, celui de Cienfuegos, une tentative de rupture fut faite dans des conditions particulièrement audacieuses.

Cienfuegos est situé à l’intérieur des terres, au fond d’une baie dans laquelle on entre par un canal de 3 milles de longueur. A l’entrée du canal se trouve un phare placé sur une hauteur de 300 pieds, au bas de laquelle court une plage étroite couverte de sable ; à peu de distance du phare s’élevait la guérite d’atterrissage des câbles, visible de très loin en mer. Les forces américaines réunies devant ce point se composaient de quatre navires de guerre. Deux canots à vapeur et deux à rames furent mis à la mer ; chacun des canots avait un équipage de seize hommes armés et munis d’outils pour détruire les câbles ; les canots à vapeur devaient faire la remorque des barques jusqu’au rivage, pendant que les navires, placés à un mille environ, bombarderaient le phare et la guérite des câbles.

L’opération, commencée au point du jour, fut menée rapidement. Pendant que les navires dirigeaient un feu très vif sur le rivage, les canots s’approchaient de terre jusqu’à une distance de moins de 100 mètres de la guérite déjà presque détruite. La profondeur de l’eau était encore trop grande pour draguer les câbles. A la grande surprise des Américains, les Espagnols n’ouvrirent pas le feu ; les canots s’approchèrent jusqu’à quelques mètres du rivage, par des fonds de 20 pieds à peine, où ils crochèrent d’abord le câble allant vers l’Est, dans la direction de Santiago. Il fallut trente hommes solides pris sur les deux canots, pour hisser le câble à bord ; c’était un câble d’atterrissage, gros comme un bras d’homme, et le poids à sortir de l’eau semblait être de plusieurs tonnes. Après l’avoir mis à bord, on put le couper.

L’un des bouts, celui qui allait à la guérite, fut rejeté à l’eau ; on releva l’autre sur une longueur de 150 pieds, avec la pensée de l’amener à bord de l’un des navires, pour essayer de communiquer avec Santiago ; mais le poids était tel que le canot faillit chavirer. On dut rapidement faire une nouvelle coupure pour jeter le câble à la mer, en en gardant à bord environ 100 pieds. Toutes ces opérations s’étaient accomplies sans que les Espagnols eussent fait un feu sérieux sur les Américains.