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gent, entendu à tout ce qui concernait les constructions, les arrangemens et la surveillance, André Thouin.

C’est après dix ans de la préparation que nous venons de rappeler, c’est-à-dire en 1749, que les fruits en étaient présentés au public sous la forme des trois premiers volumes de l’Histoire naturelle.


IV


Tandis que Buffon dispersait en quelque sorte ses hautes facultés sur des objets divers, étrangers à l’histoire naturelle proprement dite, incertain de la direction qu’il adopterait définitivement, un naturaliste illustre, Linné, à l’autre bout de l’Europe, avait poursuivi la carrière la plus unie, la plus conséquente, la plus invariablement consacrée à cet ordre de sciences.

Au moment où les premiers volumes de l’Histoire naturelle générale et particulière étaient seulement annoncés, comme étant en préparation, c’est-à-dire en 1748, presque toutes les œuvres de Linné avaient déjà paru, les œuvres importantes au moins, à l’exception de la Philosophie botanique qui est de 1751 et du Species Plantarum qui est de 1752. Le Systema naturæ, où se trouvent jetées les bases d’une distribution méthodique des trois règnes, avait été publié en 1735. Les Fundamenta botanica sont de 1736 ; le Genera plantarum est de 1737, et les Classes plantarum de 1738. Ces ouvrages s’étaient répandus rapidement dans toute l’Europe. Ils avaient fait connaître partout la classification et les principes de la nomenclature linnéenne. Celle-ci était empruntée en quelque sorte aux usages de l’état civil des hommes, consistant à désigner chaque être naturel par deux noms, l’un plus général qui indique le genre, c’est-à-dire la parenté, l’autre sorte de prénom spécifique qui caractérise l’individu. Cette réforme, à la fois si simple et si nécessaire, avait été adoptée universellement, et appliquée à toutes les branches des connaissances humaines. On a pu dire avec raison de Linné qu’il a été le réformateur le plus heureux qui ait jamais paru. Ses innovations, nombreuses pourtant, ont été acceptées sans résistance et sans retards. En deux mots, à ce moment, où Buffon allait jeter les premiers fondemens de sa réputation, Linné était à l’apogée de la sienne.

Et cependant, ces deux hommes étaient exactement contem-