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barrait le chemin. C’était l’influence qu’exerçaient sur les ministres suédois les agens des deux États que, dans la langue du temps, on appelle toujours les puissances maritimes, l’Angleterre et la Hollande. Avec l’Empire, les relations de la Suède avaient toujours été difficiles, et on pouvait espérer de faire naître, dans un esprit ombrageux comme celui de Charles, des inquiétudes qui amèneraient une rupture. M. de Besenval crut plusieurs fois y avoir réussi. Mais l’Angleterre et la Hollande étaient d’anciens alliés dont l’amitié était fondée sur la communauté de religion. C’étaient les ministres anglais et hollandais qui avaient fait échouer tout de suite l’idée de médiation en déclarant d’avance qu’elle ne serait pas acceptée. Là était la vraie différence entre la position de Charles XII et celle de Gustave-Adolphe, malgré tant d’analogies que j’ai tout à l’heure rappelées. Quand Gustave avait accepté la main tendue par Richelieu, c’était pour venir en aide au protestantisme représenté alors à un degré éminent par la résistance de la Hollande à l’Espagne, et dont l’Angleterre, malgré la politique incertaine des Stuarts, était pourtant l’un des soutiens. La politique de conquête et de persécution de Louis XIV avait renversé tous les rôles, et fait des associés de la France dans la guerre de Trente Ans les élémens principaux et les facteurs les plus actifs de la coalition nouvelle formée contre lui. Convenait-il dès lors à un roi de Suède de se placer dans le camp où il n’aurait plus retrouvé aucun de ses co-religionnaires ? Sans doute les questions religieuses n’excitaient plus la même vivacité d’intérêt qu’au siècle précédent. Mais, si Charles lui-même (bien qu’assez religieux quand il avait le temps d’y penser) n’était pas très touché de cet ordre de considérations, ses ministres y étaient sensibles, et, comme ils l’accompagnaient souvent à l’armée, ils savaient, entre deux batailles, faire discrètement écouter leur opinion. Aussi, de l’ambassadeur impérial dont la qualité et le caractère ne plaisaient guère au capricieux souverain, Besenval se flattait-il de pouvoir venir à bout. Mais du Hollandais et de l’Anglais, qui ne quittaient guère le ministre Piper, il ne se dissimulait pas qu’il avait tout à craindre.

Il y eut cependant un jour où Besenval, servi par la maladresse de l’agent impérial et de sa cour, parut avoir fait assez de chemin dans l’entourage royal pour donner une sérieuse inquiétude à ses concurrens. On eut alors recours aux grands moyens. Dans la crainte que la présence persistante de l’ambassadeur de Louis XIV ne finît par flatter l’amour-propre du roi, on voulut y opposer un témoignage d’estime d’un prix égal, et on imagina de faire venir à Altranstadt un