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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/241

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le dire que de le faire, et, malgré des conseils dont nous reconnaissons à quelques égards la justesse, la logique de notre situation géographique, politique et historique nous a toujours amenés à faire un double effort pour conserver également en Europe et hors d’Europe nos forces disponibles et nos intérêts saufs. Nous n’avons pas toujours observé la juste mesure, et peut-être a-t-on pu à plus d’une reprise nous reprocher d’avoir engagé une trop grande partie de nos forces dans la politique coloniale. Peut-être aussi pourra-t-on un jour faire le même reproche à l’Allemagne ; toutefois, elle s’en est gardée jusqu’à présent avec beaucoup de prudence, et, si l’on en croit M. de Bulow, il en sera constamment de même à l’avenir. « Nous n’oublions pas, a-t-il dit, malgré tout notre zèle pour le développement de nos intérêts d’outre-mer, que notre centre est réellement en Europe, et nous ne négligeons aucun des devoirs que nous impose la sécurité de notre situation continentale Cette sécurité repose sur l’inébranlable triple alliance et sur nos bonnes relations avec la Russie. » C’est fort bien ; la Triple Alliance, et les bons rapports avec la Russie servent assurément à la sécurité de l’Allemagne ; mais l’armée allemande y est aussi pour quelque, chose. Une armée et des alliances, ce sont là les fondemens de la sécurité pour toutes les puissances. « La meilleure garantie, continue M. de Bulow, que notre politique d’outre-mer restera sensée et pleine de mesure est qu’il nous faudra toujours tenir prêtes et rassemblées nos forces en Europe. Comme nous ne risquerons jamais de diviser ces forces, nous n’en emploierons une partie pour des entreprises d’outre-mer que dans cas mûrement et consciencieusement pesé au point de vue militaire comme au point de vue financier. » Jusqu’ici l’Allemagne a été fidèle à ce programme. Elle sent très bien que son empire colonial s’effondrerait vite si sa puissance européenne venait à péricliter. La seconde est la garantie de la première. Il y a là pour nous un exemple à méditer Notre situation est semblable celle de l’Allemagne Nous ne devons donc faire de la politique coloniale que dans mesure où elle n’affaiblit en rien notre politique continentale, car notre centre, à nous aussi, est sur le continent ; et nous n’avons pas un moindre intérêt que nos voisins à y maintenir nos forces toujours prêtes et rassemblées. Ce devoir est d’autant plus étroit pour nous que l’accomplissement nous en est d’ailleurs plus facile. M. Delcassé répétait, il y a quelques jours, que notre domaine colonial était suffisant, qu’il était complet, que nous n’avions aucune conquête nouvelle à rechercher. Et la Chambre approuvait chaudement ces paroles. Tout au plus, — et toujours comme