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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/243

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certain rôle dans son histoire, c’est sans doute du côté de l’Océan qu’elle tournera son activité nouvelle. Son commerce s’étend déjà et pénètre partout. Lui seul menace d’être, un jour prochain, pour l’Angleterre, un concurrent sérieux et même redoutable. L’empereur Guillaume répète à satiété que l’avenir de l’Empire est sur les mers, et, en parlant ainsi, il constate un fait presque réalisé déjà. Au moment où M. de Bulow a prononcé son discours, il revenait d’Angleterre, où il avait longuement causé avec M. Chamberlain. A en juger par leur langage ultérieur, il ne semble pas que les deux ministres aient conservé la même impression de leurs confidences réciproques. Parlons franc : le discours de M. de Bulow, depuis le premier mot jusqu’au dernier, vise l’Angleterre, et c’est évidemment contre elle que l’Allemagne s’apprête à grossir sa flotte et à augmenter démesurément sa puissance navale. La lecture de la presse allemande confirme encore cette impression : il faut voir comme les Anglais sont traités en ce moment par les journaux d’outre-Rhin ! Les défaites qu’ils éprouvent au Transvaal sont l’objet de commentaires qui respirent contre eux la colère et la haine. N’importe, les Anglais ne bronchent pas. Ils restent aussi impassibles devant ces attaques qu’ils le sont, — et sur ce point ils sont merveilleux de bonne tenue politique et de dignité patriotique, — devant les revers si durs que les Boërs leur ont infligés. Ils n’ont qu’une faiblesse, bien mesquine à la vérité : c’est de se rattraper sur la France de ce qu’ils acceptent stoïquement de tous les autres. Leurs sentimens, si fortement contenus d’autre part, font explosion de ce côté, et, s’ils supportent tout des Allemands, ou des Russes, ou des Autrichiens, ou des Italiens, ou des Américains, il suffit d’une pauvre caricature française pour les mettre hors d’eux-mêmes.


Encore une crise ministérielle en Autriche ! Si cela continue, elles y seront bientôt plus fréquentes que chez nous : peut-être même le sont-elles déjà. Il y a seulement quelques mois, le comte Clary remplaçait le comte Thun au pouvoir : celui-ci, à la vérité, avait duré plus longtemps. Le malheur de la situation est que les causes qui ont amené déjà la chute de tant de ministres ont un caractère permanent et qu’on n’aperçoit pas le moyen d’y mettre fin. En Autriche, — et, au surplus, il en est ou il en devient ainsi dans plusieurs autres États européens, — le parlementarisme n’existe que de nom : aussi est-il un embarras et une entrave, au lieu d’être une réalité efficace et utile. Dans ce pays, celui de tous où il y a le plus d’assemblées délibérantes, les partis sont généralement remplacés par des groupes