Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ambition qui avaient toujours existé entre elles, et qu’avait seule pu faire taire, pour un instant, la préoccupation d’une haine et d’une crainte communes.

L’accord subsistait encore en 1818, à Aix-la-Chapelle, quand, après avoir reçu du duc de Wellington l’assurance que la ligne des forteresses belges, érigée en face de la frontière française, était en voie de complet achèvement, les puissances qui occupaient une partie de notre territoire consentirent, sur la demande du ministre de Louis XVIII, le duc de Richelieu, à une évacuation anticipée du sol français. Mais, en compensation, elles convinrent, par une note secrète, de reprendre une lutte commune, si une révolution nouvelle à Paris venait à menacer le trône de la dynastie restaurée.

Déjà, deux ans après, à Laybach, puis à Troppau, l’intimité était moins grande : l’Autriche ayant proposé de se charger seule de réprimer les mouvemens insurrectionnels qui avaient éclaté en Italie, ses alliés la laissèrent faire, en gardant une attitude passive et réservée.

Mais où le dissentiment qui couvait déjà éclata tout à fait, ce fut quand, après le congrès de Vérone en 1823, la France entreprit à son tour d’exercer en Espagne le droit de répression dont l’Autriche venait de faire usage en Italie, et de délivrer toute seule, par ses propres armées, le roi Ferdinand, prisonnier, à Cadix, des Cortès révolutionnaires. L’Angleterre fit alors entendre une protestation énergique, déclarant, par l’organe éloquent de l’illustre Canning, que les principes de sa constitution ne lui permettaient pas d’approuver cette ingérence d’un État dans les démêlés intérieurs d’un voisin indépendant, et elle ajouta que, ne voulant pas renier les souvenirs de sa propre révolution heureusement accomplie en 1688, elle ne pouvait contester à d’autres le droit qu’elle avait revendiqué pour elle-même. Ce langage, assurément très nouveau dans la bouche d’un successeur de Castlereagh, attestait qu’un souffle libéral était répandu même dans les rangs de l’ancien parti conservateur britannique : peut-être aussi pouvait-on s’apercevoir que l’Angleterre, croyant n’avoir rien à craindre pour elle-même de l’esprit révolutionnaire, ne voyait pas d’inconvénient à le laisser prévaloir au dehors, voire même qu’elle y trouvait quelque avantage pour créer des embarras à ses rivaux monarchiques du continent, — principalement les riverains de la Méditerranée, — et se ménager ainsi dans les pays insurgés une