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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/249

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clientèle à sa dévotion. Quoi qu’il en soit, la solidarité européenne était rompue, et c’en était fait de la garantie d’assurance mutuelle qui était souvent exprimée, et toujours sous-entendue dans l’esprit ou dans la lettre de l’Acte général de 1815.

Bons ou mauvais, tous les exemples sont contagieux. L’Angleterre avait couvert de son patronage moral les insurrections espagnoles. La Russie se crut autorisée à accorder une protection ouverte et armée au soulèvement des provinces chrétiennes révoltées contre la Turquie. Elle troublait ainsi les intérêts sérieux que l’Autriche avait sur le bas Danube et encourait le vif déplaisir de l’hôte et du président du Congrès de Vienne : le prince de Metternich. Craignant alors d’être inquiétée elle-même sur ses derrières dans la marche qu’elle pourrait avoir à diriger sur Constantinople, le tsar tendit la main à qui ? A la grande vaincue de 1815, qui s’était remise de ses blessures : et l’on put alors s’attendre à voir une armée française repasser le Rhin, sur l’appel de l’héritier d’Alexandre, avec l’espoir de réparer ses pertes et de venger ses injures. S’il n’y eut pas à cet égard, comme on a eu le tort de le prétendre, d’engagement écrit entre Pétersbourg et Paris, il y eut certainement des propos échangés et des espérances entretenues. Si la paix survenue à Andrinople mit un terme à ces projets toujours restés assez vagues, cette pacification même, conclue à des conditions dont l’Autriche murmura, laissait subsister entre les deux empires du Nord de profonds ressentimens, Metternich surtout, en qui s’était si longtemps personnifiée la coalition, restait ulcéré d’avoir vu ses avis méconnus et ses sinistres prédictions démenties.

Chacun étant ainsi retourné à ses sentimens, à ses intérêts particuliers et à ses affaires, aucun de ces cabinets, si étroitement unis et si violemment irrités en 1815, n’aimait à songer aux engagemens pris en commun, sous une impression qu’ils n’éprouvaient plus, et tous s’en laissaient volontiers distraire. Il est donc très probable que si, dans l’année qui précéda 1830, le roi des Pays-Bas eût demandé à ses anciens patrons aide contre ses sujets réfractaires, un accueil assez froid eût été fait à ce client incommode, et on lui eût poliment laissé entendre que, s’étant mis dans l’embarras sans prendre conseil, il devait avant tout tâcher de s’en tirer à lui tout seul. Mais, quand cet appel, qui en tout temps eût été mal reçu, arriva, un événement imprévu avait eu lieu qui ne permettait plus de regarder la situation de la Belgique comme