pas pour critiquer les actes, au moins dans la politique extérieure, dont le soin lui restait confié, et surtout à propos des derniers troubles de l’Orient, son influence, toujours respectée, avait contribué à nouer et à rendre plus intime le rapprochement opéré entre son ancienne et sa nouvelle patrie.
Plus que personne, par conséquent, il avait le droit d’être mécontent qu’on l’eût d’abord induit en erreur, puis laissé à l’écart. Son impatience s’exprima tout de suite très vivement ; c’est du moins ce que rapporte, dans un récit qu’on m’a permis de consulter, une personne de haute distinction que tout le monde a connue dans la société parisienne et à qui une ancienne amitié ouvrait assez familièrement la porte de l’ambassadeur. Elle rend compte de ses impressions avec une grâce piquante et une finesse qui, même quand elle ne se serait pas nommée, ferait reconnaître une plume féminine : « Le mercredi, dit-elle, il n’était que troublé et alarmé, mais, le vendredi (troisième jour de la lutte), je trouvai qu’il avait fait bien du chemin depuis la veille. » C’est que l’émeute était victorieuse, l’armée en retraite, et le roi songeait à capituler, et qu’avec le coup d’œil d’un vieux praticien expert en révolution, Pozzo jugeait que l’heure critique était venue où qui recule est perdu. « C’est fini, disait-il, on ne rentre pas dans une capitale qu’on a ensanglantée. » Et quand on lui parlait des propositions pacifiques, portées par le duc de Mortemart à l’Hôtel de ville : « Démarche vaine, reprenait-il, le duc est un excellent homme, mais il n’est pas à la hauteur de la conjoncture, et personne ne le serait. » Puis il fut le premier à prononcer, dans un milieu officiel, un nom que tout le monde avait déjà sur les lèvres. « C’est du côté de Neuilly (la demeure du Duc d’Orléans) qu’il faut regarder, il n’y a plus que cela de possible, et tout le monde s’y rattachera. » Comme il ne tenait pas à cacher sa pensée, plusieurs personnes qu’il laissa entrer purent le voir et l’entendre. On se le représente alors tel que ceux qui l’ont connu nous le dépeignent, s’exprimant par des paroles vives, saccadées, dans un langage coloré, d’une voix vibrante que relevait un léger accent italien, et l’éclat du regard animant une physionomie dont l’âge, en respectant la régularité des traits, n’avait pas altéré la noblesse.
En parlant ainsi sans détour, il n’ignorait sans doute pas que la digne amie qui l’écoutait était liée elle-même d’enfance avec les princesses de la famille d’Orléans, et que pas un des mots qui lui échappaient ne tomberait dans le vide ; aussi une seconde