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être fait à la famille proscrite qui vint chercher refuge en Angleterre, une assez maigre hospitalité lui fut offerte dans un vieux château d’Écosse, et elle fut avertie que la qualité royale ne serait reconnue qu’au souverain qui descendait du trône, sans qu’on en laissât prendre officiellement le titre à ses héritiers. Si ces actes, d’une sagesse un peu triste, durent coûtera l’entourage aristocratique du ministère anglais, les politiques y trouvèrent une compensation. La royauté qui disparaissait avait, très peu de temps auparavant, blessé le cabinet anglais en deux points sensibles. L’alliance de la France et de la Russie l’avait forcé à reconnaître l’affranchissement de la Grèce, et son escadre, pour ne pas rester isolée, avait même dû y prendre part fort à contre-cœur par la victoire de Navarin. De plus, cette année même, la conquête d’Alger venait d’être entreprise et menée à fin, malgré les représentations et même les menaces, très noblement repoussées, de l’ambassadeur d’Angleterre à Paris. À la vérité, si l’on eut un instant à Londres l’illusion que le nouveau gouvernement ne soutiendrait pas, en Afrique comme ailleurs, l’honneur des armes françaises, l’erreur était grande, et on ne devait pas tarder à la reconnaître, mais l’orgueil britannique aime toujours à penser que toute offense qui lui est faite reçoit tôt ou tard et de manière ou d’autre son châtiment.

Les lettres de créance de l’ambassadeur d’Angleterre arrivèrent donc à Paris dès le 20 août, et il les remit sans consulter personne et sans rien attendre. Mais ce qui surprit davantage, ce fut de trouver à Berlin à peu près le même empressement : non que l’événement de Paris y eût été vu par l’opinion commune d’un autre œil qu’à Londres. « Le prince de Polignac, — avait écrit dès le premier jour, non sans chagrin, le représentant de la Sardaigne, — n’a, ni à Berlin, ni dans toute la Prusse, un seul approbateur. » Et c’était vrai de toute l’Allemagne. Dans les villes importantes, capitales des petits États, ou centres d’activité intellectuelle et sociale, on avait suivi tous les incidens de la lutte du parlement contre la monarchie avec une sympathie que la victoire n’avait pas refroidie. C’est que le triomphe des idées libérales en France était un bon augure, accepté avec joie, par toute la haute bourgeoisie et par la classe si importante des lettrés et des savans, qui aspiraient ouvertement soit à développer, soit à conquérir pour eux-mêmes les institutions constitutionnelles dont la promesse leur avait été faite à plusieurs reprises, mais n’avait