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pensée une forme qui parût la rattacher aux plus hautes considérations de philosophie sociale. Il se plaisait à ramener tous les cas de la politique courante à une seule formule, toujours composée de deux facteurs : c’était toujours, sous une forme ou sous une autre, la lutte des principes conservateurs sur lesquels toute société repose contre une faction révolutionnaire acharnée à les détruire. Envisagés de cette hauteur, les noms et les personnes disparaissaient, il n’était plus question ni des intérêts des cabinets, ni de leurs intrigues, ni de leurs ambitions ; il n’y avait plus que des idées et des êtres abstraits. Le sentiment monarchique prenait même rarement chez lui l’expression sentimentale de la fidélité dynastique. C’était un hommage théorique rendu à la vertu traditionnelle de l’hérédité, il restait ensuite (et il n’y manquait pas) à tirer de ces formules générales des conséquences particulières, applicables à ses visées personnelles. Dans les documens émanés de la plume de M. de Metternich, on trouve toujours cette affectation de traiter des moindres incidens du jour en des termes presque métaphysiques ; mélange pédantesque dont on a souvent plaisanté l’école de Royer-Collard et de ses disciples. C’est véritablement le doctrinaire de l’absolutisme.

Faute de pouvoir reprendre sur un théâtre aussi étendu qu’il l’avait espéré le rôle d’oracle, j’ai presque dit de pontife, des principes conservateurs qu’il affectionnait, il tint tout au moins à se montrer dans cette attitude à l’envoyé de Louis-Philippe, qu’il dut aller recevoir à Vienne.

Pour cette mission comme pour celle de Berlin, on avait fait choix d’un officier général qui, bien qu’illustré par de moindres faits d’armes que le général de Lobau, s’était pourtant distingué pendant toutes les guerres de l’Empire. Metternich avait dû le rencontrer, à plusieurs reprises, dans l’entourage de Napoléon, en particulier à Dresde, quand il était venu tenter, avec le gendre de François Ier vaincu, une dernière négociation qui précéda la rupture définitive. Rien n’eût donc été plus simple, quand le général Belliard vint demander à remettre à l’empereur la lettre autographe dont il était porteur, que de le recevoir familièrement comme un visage de connaissance. Metternich eut soin, au contraire, de donner tout de suite à son accueil un air d’autorité affectée. D’abord il fit attendre plus d’une semaine l’audience demandée, et dans l’intervalle il consentit à avoir avec l’envoyé, dont il exerçait ainsi la patience, deux longs entretiens où il se