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plut à détailler tous les motifs qui devaient enlever à un gouvernement fondé par une révolution toute chance et même toute possibilité de durée. « Quand vous me parlez, lui disait-il, des dispositions pacifiques de votre gouvernement, je vous crois sans peine. Il est une règle qui ne trompe jamais ; c’est celle qui place les calculs sur la base des intérêts. Le premier intérêt pour un gouvernement est celui de sa conservation. Les hommes arrivés au pouvoir désirent s’y maintenir, et ce n’est pas dans la voie du trouble que cela devient possible. Soyez persuadé, par conséquent, que je ne doute pas des dispositions que vous me dites être celles du nouveau gouvernement, mais la question n’est pas là : le gouvernement pourra-t-il ce qu’il veut ? mon opinion à cet égard est toute formée. »

Au premier rang, parmi ces raisons de croire à l’instabilité fatale du gouvernement nouveau, il plaçait l’influence exercée par La Fayette, celui qu’il appelait l’homme du 6 octobre et qu’il considérait comme l’incarnation de la faction révolutionnaire préparant sûrement la voie à la République ; et, comme Belliard, s’efforçant de dissiper sa terreur, insistait sur l’hommage que La Fayette lui-même avait rendu à la popularité du nouveau roi, en le serrant dans ses bras du haut du balcon de l’Hôtel de ville : « Cette scène, dit Metternich assez finement, fait honneur à la bonne contenance du Duc d’Orléans, mais, ajouta-t-il, un baiser est bien peu de chose pour étouffer une République : me donnerez-vous tous les baisers pour des garanties ? »

Ces façons hautaines, au travers desquelles on voyait déjà pourtant des précautions prises pour ne pas se refusera un arrangement au moins provisoire, n’avaient rien d’encourageant et ne rendaient pas agréable une attente déjà par elle-même assez pénible : car autant, dans un milieu militaire comme celui de Berlin, un soldat loi que Lobau avait pu se trouver à l’aise, autant, dans une Cour aristocratique et fermée comme celle de Vienne, la situation de l’envoyé d’une révolution, qu’on croyait encore voir descendre d’une barricade, respirant l’odeur de la poudre, était celle d’un excommunié tenu rigoureusement en quarantaine. Au bout de quelques jours, il fut obligé de déclarer que la dignité de son gouvernement ne lui permettait pas d’accepter un plus long délai. La porte s’ouvrit alors à la fin, et le souverain se montra tout de suite plus abordable que le ministre.

François Ier était un vieillard triste et doux, qui avait passé