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un empressement dont on paraissait lui savoir si peu de gré, et il discuta ce qu’il appelait le prétendu droit de non-intervention dans plusieurs conversations de plus en plus animées et émues : « Que voulez-vous ? s’écriait-il ; permettre à tous les peuples de s’insurger quand ils le voudront en leur assurant l’impunité ? C’est ce qu’aucun gouvernement ne peut tolérer[1]. »

Quant à M. de Metternich, il trouva, dans les termes abstraits du débat, une favorable occasion pour prendre le ton doctoral qu’il affectionnait. « L’Empereur, mon Prince, écrivait-il à son ambassadeur à Londres, le prince Esterhazy, n’admettra jamais le principe de non-intervention, en face de l’action active de la propagande révolutionnaire. Sa Majesté Impériale reconnaît non seulement le droit, mais le devoir de prêter à toute autorité légale attaquée par l’ennemi commun tous les genres de secours dont les circonstances lui permettent l’emploi… L’adage du jour est la fraternité entre les peuples, et nous savons ce que la faction entend par le peuple et par la fraternité… Notre pouvoir ne va pas jusqu’à détruire ce que ce mot d’ordre renferme de mortel pour le repos des nations ; mais il doit nous servir d’avertissement et nous faire comprendre combien nous aurions tort de renoncer aux seules armes qui nous restent et d’abandonner aux clameurs des perturbateurs un droit incontestable qui, jusqu’ici, a sauvé l’Europe du naufrage universel dont elle est depuis longtemps menacée. »

Et il concluait à la nécessité d’établir plus que jamais une forte et entière solidarité morale entre les puissances avec une distribution des rôles dans l’action qui, en vertu de cette solidarité, pourrait tomber en partage à chacune des puissances alliées.

Puis, dans une lettre confidentielle jointe à la dépêche officielle, il ajoutait : « Le principe de non-intervention est populaire en Angleterre. Faux dans sa base, il peut être soutenu par une puissance insulaire. La nouvelle France n’a pas manqué de se l’approprier et de le proclamer hautement. Ce sont les brigands qui récusent la gendarmerie et les incendiaires qui protestent contre les pompiers[2]. »

Et, en attendant la protestation générale qu’il sollicitait de toutes les puissances contre la prétention de la France, il en

  1. Archives des Affaires étrangères. Dépêche du baron Mortier, octobre 1830.
  2. Metternich à Esterhazy, 20 octobre 1830. Mémoires, t. V, p. 41 et 46.