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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/331

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Austerlitz, — d’abord les colonies ne comportent pas Austerlitz, — et puis ils sont mal préparés aux besognes patientes, ingrates et obscures qui sont la tâche quotidienne, la seule féconde de l’officier colonial. Ce sera aux règlemens d’application qu’il appartiendra d’assurer la constitution d’une « milice sacrée, » qui fera, elle aussi, son engagement décennal.

Ce qu’il faut souhaiter, c’est que des dispositions nouvelles abolissent la rigidité des tours de départ. On sait que mécaniquement, automatiquement, tout officier des troupes de marine, au bout du temps de séjour colonial, deux ans, trois au maximum, est rappelé en France, quelle que soit la besogne qu’il est en train d’accomplir. Et il ne peut compter que sur le hasard pour revenir à la tâche commencée. Il a laissé à Madagascar ou au Tonkin un secteur en pleine formation, il s’y est donné corps et âme, il est plein de son œuvre, il ne demande qu’à la poursuivre. Le tour prochain l’enverra faire du service de place à la Martinique ou à la Réunion. Cette instabilité est aujourd’hui une des choses les plus décourageantes aussi bien pour l’officier voué à son œuvre que pour ses chefs. Ah ! je connais l’objection : c’est qu’il ne faut pas s’user aux colonies, que trois ans représentent le maximum de temps pour un rendement utile, et qu’après ce délai, il est nécessaire de venir se retremper dans la métropole. Soit ! Mais alors pourquoi ne pas introduire dans l’armée coloniale, comme il a lieu pour les fonctionnaires civils, le droit au congé administratif pendant lequel on reste titulaire de son poste où l’on est assuré de retourner, après s’être revivifié à l’air de France, après aussi y avoir mis à profit son séjour pour le bien de sa circonscription ? Combien sais-je d’officiers, aujourd’hui en France, qui ne demandent qu’à rallier leur ancien poste et ne se consolent pas à l’idée que ce n’est pas eux qui voient pousser leurs pépinières, leurs rizières, leurs maisons ? Ils ont le mal du pays à rebours. Est-ce là un facteur négligeable ?

On s’étonne parfois qu’il n’y ait pas un plus grand nombre d’officiers qui étudient les langues coloniales. Est-ce donc encourageant d’apprendre le malgache, si l’on ne doit plus l’utiliser qu’avec des Chinois ? Ce qui est au contraire surprenant c’est que, dans ces conditions, autant d’officiers encore prennent à cœur l’étude de ces langues et, d’ailleurs d’une manière générale, qu’autant d’entre eux se donnent comme ils le font, à plein collier, au développement de leur région, comme s’ils devaient y