Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été précieux que cette question fût résolue : « Étant donné un entier, trouver a priori le nombre des nombres premiers qui lui sont inférieurs. » Le géomètre allemand Bernhard Riemann, dont un de ses pairs, M. Charles Hermite, a pu dire : « Son œuvre est la plus belle et la plus grande de l’analyse à notre époque…, » Riemann, disons-nous, a réussi à donner de ce problème une solution approchée. Nous avons cité cet exemple pour bien montrer qu’au seuil même de la science, il se pose des questions d’une extrême difficulté. Ajoutons que Riemann a dû faire usage de notions transcendantes fort éloignées des notions simples qui entrent dans l’énoncé du problème. Ce n’est point le seul exemple de questions arithmétiques traitées par la haute analyse. L’on doit faire flèche de tout bois dans la science, et le savant pourrait dire comme le pêcheur :


Ma barque est si petite, et la mer est si grande.


Nous nous en tiendrons à ces quelques mots sur l’arithmétique technique pour nous arrêter un peu devant l’élément fondamental de cette science, le « nombre entier. »

Bien fatalement un mathématicien est amené à réfléchir sur les origines de cette notion et sur sa valeur philosophique. De même l’on imaginerait difficilement un physicien qui n’aurait pas cherché à se faire une idée de ce que le vulgaire nomme la matière, le temps, la force… Les savans-philosophes et les philosophes-scientifiques ont beaucoup écrit sur le nombre entier.

Il faut convenir que la tâche de discerner la priorité du nombre ordinal sur le nombre cardinal ou l’inverse, et toutes les spéculations analogues sont bien plutôt du domaine de la philosophie que du domaine de la science. Il serait mesquin, assurément, de fixer les bornes du génie de l’homme : au XVIIe siècle une grande lumière s’élevait sur le monde, le siècle de Louis XIV a été témoin, entre mille autres belles choses, d’un spectacle grandiose qui sera toujours et partout admiré par les hommes de pensée. Un homme naquit à Leipsig et mourut à Hanovre, qui fut un profond philosophe, un grand géomètre, qui fut aussi un historien et un noble serviteur de son pays. Nous avons nommé Leibniz ! Nous ne voulons pas désespérer absolument que l’un des siècles futurs voie naître un nouveau Leibniz… Cependant il devient tous les jours plus difficile d’être à la fois bon philosophe et bon mathématicien. L’on conçoit donc que, soucieux avant tout du progrès de la science,