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pittoresque. La magnifique forêt de chênes verts dont l’ombre s’étend jusqu’au rivage, le grand horizon de mer et l’admirable décor que présentent les îles de la rade en ont fait depuis quelques années un séjour de villégiature très apprécié. C’est à Fouras que, le 8 juillet 1815, Napoléon Ier fut embarqué dans une modeste chaloupe anglaise, qui le déposa à l’île d’Aix quelques jours avant son départ définitif pour Sainte-Hélène. La terrasse où se trouve aujourd’hui le casino moderne fut la dernière étape de cette épopée glorieuse et tragique, sans égale peut-être dans l’histoire des temps modernes ; et ce fut là que l’ancien maître du monde put sentir pour la dernière fois, sous ses pieds, le sol de cette France qu’il avait tant aimée et tant meurtrie.

En face de l’île d’Aix et un peu au Nord-Est se dresse la blanche falaise calcaire de Châtelaillon. A 3 kilomètres au Nord de la pointe, le gros bourg moderne qui porte le même nom est devenu depuis quelques années une station balnéaire très fréquentée. La bras de mer qui sépare l’île d’Aix de la presqu’île de Châtelaillon a près de 7 kilomètres de profondeur ; le groupe rocheux des Mannes émerge au milieu de ce détroit, et on sait qu’au moyen âge on allait à pied de l’île au cap avancé du continent que les vagues attaquent sans cesse. Deux véritables villes existaient alors sur cette langue de terre, noyée aujourd’hui, Montmeillan et Châtelaillon. Toutes deux ont disparu et se sont effondrées dans les eaux, comme Anchoisne et Antioche, et très certainement sous l’action des mêmes causes.

La première est mentionnée dans un procès-verbal authentique daté de l’an 1430, cité par un annaliste de la Rochelle du XVIe siècle : « Montmeillan, dit ce procès-verbal, étoit situé entre Châtelaillon et l’île d’Aix, à la quelle cité et à la dite isle on pouvoit aller par terre et à pied sec en basses mers, selon ce que rapportent des anciens et avons veu gens qui y avoient passé[1]. » Quant à la seconde, elle existait peut-être déjà à l’époque romaine, mais elle a très certainement été fortifiée par Charlemagne ; et on sait qu’au XIIe siècle, la baronnie de Châtelaillon, qui avait presque le rang et la valeur d’une principauté, était l’une des plus importantes forteresses de la côte de l’Aunis et que son autorité s’étendait même sur la Rochelle. La ville était entourée de fossés et d’une enceinte continue et tourelée, et sous les

  1. Ms. Amos Barbot, cité par Arcère, Hist. de la Rochelle 1766.