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IV

Bien autrement échancré et évasé était l’ancien golfe du Poitou, réduit aujourd’hui à la petite anse de l’Aiguillon, au Nord de la Rochelle. La baie actuelle n’a pas plus de 7 kilomètres d’ouverture sur une profondeur de 8 kilomètres. Il suffit de jeter les yeux sur la carte géologique de France pour voir que le golfe primitif commençait au Nord, près de Talmont, à 15 kilomètres à peine des Sables-d’Olonne, et s’étendait jusqu’à la batterie moderne qui couronne la pointe de Saint-Clément, à 10 kilomètres environ de la Rochelle. Il avait donc une ouverture de près de 40 kilomètres ; il s’enfonçait profondément dans les terres, se ramifiait en tous sens, présentant des bras sinueux, navigables et navigués, au Nord jusqu’à Luçon, au Sud jusqu’à Aigrefeuille, à l’Est jusqu’à Niort[1]. La Sèvre débouchait alors à Niort même, à 50 kilomètres du rivage actuel, et c’est ce qui peut expliquer pourquoi Ptolémée n’en fait pas mention ; car elle n’était de son temps qu’une rivière d’un très faible parcours. Ce n’est que peu à peu, au fur et à mesure que le golfe s’est envasé, qu’elle s’est allongée en traversant les alluvions nouvellement déposées, recevant à droite et à gauche une série d’affluens et d’étiers plus ou moins navigables, et qu’elle a acquis l’importance d’un petit fleuve. Les anciens territoires de Châtelaillon, de la Rochelle et d’Esnandes formaient alors une presqu’île qui présentait à la mer un développement de côtes de près de 30 kilomètres et était soudée au continent par une langue de terre qui avait près de 6 kilomètres de largeur. Au centre de l’ancien golfe émergeait un nombre considérable d’îlots, et on les reconnaît encore aujourd’hui dans la vaste plaine horizontale. Ce sont les minuscules collines de Saint-Michel-en-l’Herm, Charron, Marans, Tangon, la Fronde, Maillezais, Maillé, Vix, Velluire, Chaillé-les-Marais, Triaize, l’île d’Elle, Champagne, Puyrayaud, Sainte-Radegonde, Vouillé, etc.[2], élevées à peine de quelques mètres au-dessus du niveau de la mer, entourées de marais, les uns déjà transformés en prairies, les autres à demi desséchés et dont les eaux, apparentes ou cachées, s’écoulent peu à peu à la mer, grâce à un réseau de canaux et de filioles

  1. J. Girard. Les Rivages de la France, Autrefois et Aujourd’hui, XIII. L’Ancien Golfe du Poitou, 1895.
  2. L’abbé Lacurie, Notice sur le Pays des Santons (Bull. mon., t. X, 1851).