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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/418

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V

Tous les géographes classiques mentionnent la capitale du pays qui était Saintes, Mediolanum Santonum[1], chef-lieu de la cité des Santons. Saintes a quelque peu décliné depuis l’époque romaine ; mais les ruines seules de son amphithéâtre peuvent encore donner la preuve de son ancienne splendeur. Elles ne diffèrent guère de toutes celles des monumens du même genre que les Romains ont prodigués sur le sol de leur immense empire. Tout se borne à une grande cuve de forme elliptique, dont les gradins étaient supportés par des voûtes formant des galeries couvertes. C’est toute la brutalité du monument officiel affecté aux spectacles grossiers et barbares que l’on sait, offerts périodiquement à des citoyens corrompus et à des peuples domptés d’abord, puis affranchis, mais serviles et dégradés. Les deux axes de l’ellipse extérieure avaient à peu près 127 et 108 mètres, ceux de l’enceinte, 80 et 56 ; la surface de l’arène était donc un peu supérieure à celle des amphithéâtres de Nîmes, d’Arles et de Bordeaux. C’était même, peut-être, le plus grand amphithéâtre de la Gaule, et les gradins pouvaient recevoir à l’aise près de 25 000 spectateurs. A défaut d’enceinte continue de murailles et surtout de documens statistiques, les amphithéâtres, qui étaient régulièrement fréquentés par toutes les classes de la société, peuvent être considérés comme une jauge assez exacte de la population d’une ville romaine ; et on peut estimer que cette population devait être à peu près le double ou le triple de ce que le monument pouvait contenir. Saintes aurait eu par conséquent, au Ier ou au IIe siècle, 50000 à 00000 habitans ; elle en a à peine le tiers aujourd’hui.

Admirablement située au point de vue commercial, dans un pays fertile, sous un climat moyen, en communication facile par la Charente avec l’intérieur du pays et avec la mer, la capitale des Santons aurait pu avoir son port presque sous ses murs, ou tout au moins à peu de distance sur le fleuve lui-même, presque à l’emplacement de Tonnay-Charente ou de Rochefort. L’ancien port se trouvait en réalité à plus de 50 kilomètres de Saintes, sur le bord même de la mer. Ptolémée, qui est à peu près le meilleur guide pour la géographie de cette partie de la Gaule à l’origine de notre ère, donne la latitude de la Charente, du port

  1. Itin. Anton. De Aquitania in Gallius, 479, 3. Tab, Peut. Segm. I, A, 1.