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malheureusement à peu près nulles ; et la majeure partie du trafic est à l’importation, et s’y fait sous pavillon anglais pour les charbons et sous pavillon suédois, allemand ou norvégien pour les bois de construction, les charbons et les bois destinés en général à la marine de guerre. Depuis quelques années cependant, l’exportation des céréales y a pris une certaine activité. Le mouvement commercial paraît aujourd’hui stationnaire et être arrivé à peu près à son apogée.

On ne sait rien ou presque rien de la Rochelle avant le IXe siècle. C’était dans le principe une simple bourgade de pêcheurs, comme il en a beaucoup existé de tout temps sur les côtes de l’Aunis et de la Saintonge. La mer s’avançait alors bien plus profondément dans l’intérieur des terres et entourait de tous côtés une presqu’île rocheuse qui constituait l’ancienne baronnie de Châtelaillon, dont nous avons parlé plus haut. A l’abri du petit rocher se groupèrent d’abord quelques misérables cabanes. On y construisit bientôt une modeste chapelle. Le bourg naissant prit le nom du rocher contre lequel il était adossé, Rupella, et ce nom lui est resté. Les cartes pisanes du XIVe siècle et les portulans du XVIe l’appellent Rocella ; c’est la Rochelle moderne.

Peuplée d’abord de proscrits qui devinrent bientôt d’intrépides marins et de hardis commerçans, la Rochelle acquit dès le XIIe siècle une importance considérable. Vers l’année 1130, Guillaume, duc d’Aquitaine et comte du Poitou, y bâtit un premier château fort et l’éleva au rang de commune. Sa fille Éléonore ayant épousé Henri II, roi d’Angleterre, la Rochelle devint alors en quelque sorte anglaise, obtint la concession de privilèges et de franchises dont elle fut toujours extrêmement jalouse ; et son histoire fut dès lors une longue série de révoltes contre l’autorité des rois de France, une suite presque ininterrompue de luttes vigoureuses de l’esprit municipal contre l’esprit national. Administrée par un corps de ville composé de vingt-quatre échevins et de soixante-seize pairs à charge viagère et se recrutant par voie d’élection, la Rochelle était en fait une vraie république trafiquante et guerrière, aussi libre, aussi indépendante de la couronne que les plus grands fiefs du royaume. La réforme, qui y fit de très rapides progrès, surexcita naturellement tous les fermens de résistance ; et l’alliance anglaise, sur laquelle malheureusement elle essaya trop souvent de s’appuyer, détruisit chez elle l’idée de patrie. Aujourd’hui que le temps permet de juger plus sainement les